Structure poreuse interconnectée des implants hybrides à base de bioverre
Structure poreuse interconnectée des implants hybrides à base de bioverre et polycaprolactone apte à recevoir l’invasion tissulaire et à la circulation des cellules (vue au microscope électronique). / Image LPC

Un nouveau matériau synthétique promet de bousculer le monde des implants osseux

Applications biomédicales

Une équipe du Laboratoire de physique de Clermont-Ferrand (LPC) a développé un nouveau matériau conçu et optimisé pour servir d’implant osseux « régénérant ». Une innovation qui doit beaucoup à l’usage des techniques d'analyse par faisceaux d'ions développées au sein de l'IN2P3. En début d’année le laboratoire a signé un accord de partenariat industriel avec la PME clermontoise spécialiste des implants osseux OST-Développement.

Ce que propose le groupe biomatériaux du Laboratoire de Physique de Clermont-Ferrand (LPC) fait figure de petite révolution dans l’univers des implants osseux :  utiliser du bio-verre en guise d’implant ! Ce matériau, totalement synthétique, fragile et composé de silice comme le verre de nos fenêtres n’avait a priori aucune raison de faire l’affaire. Mais les chercheurs y ont vu tout autre chose : un matériau biocompatible et bioactif, capable de se dissoudre naturellement dans les tissus vivants tout en lui apportant des composés indispensables à sa régénération. Restait à trouver un moyen de le solidifier, et d’en modifier la composition pour en décupler les pouvoirs régénérateurs. Là était tout le défi.

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Mousse de bioverre fabriquée au LPC. La structure poreuse est destinée à assurer la libre circulation des cellules et fluides biologiques, ainsi qu’à être envahie par le tissu osseux néoformé. / Image LPC

 

Bio-verre hybride macroporeux

Pour transformer l’essai, les chercheurs ont exploité la plateforme de l’IN2P3 AIFIRA hébergée au Centre d'Etudes Nucléaires de Bordeaux Gradignan (CENBG), qui permet de sonder la matière comme aucune autre. AIFIRA délivre des faisceaux d'ions de faible énergie qui traversent les échantillons, induisant ionisation ou réactions nucléaires. L'analyse des rayonnements caractéristiques induits par ces interactions révèle la nature des atomes heurtés, et permet ainsi de reconstituer par balayage la composition chimique de l'échantillon. "AIFIRA nous donne une véritable cartographie chimique de l'échantillon, nous révélant les atomes en présence et même leur concentration sur des zones aussi précises qu'un micron" précise Jonathan Lao, maître de conférences au LPC.

Cartographie chimique par faisceaux de protons (méthode PIXE, plateforme AIFIRA du CENBG) de la distribution du phosphore (P), silicium (Si), calcium (Ca), magnésium (Mg) dans une section transverse de bioverre mis en contact 7 jours avec du liquide physiologique : la formation d’une couche riche en calcium et phosphore est mise en évidence, qui va servir de site privilégié pour l’adhésion et la minéralisation des cellules osseuses et la liaison avec les tissus osseux environnants.
Cartographie chimique par faisceaux de protons (méthode PIXE, plateforme AIFIRA du CENBG) de la distribution du phosphore (P), silicium (Si), calcium (Ca), magnésium (Mg) dans une section transverse de bioverre mis en contact 7 jours avec du liquide physiologique : la formation d’une couche riche en calcium et phosphore est mise en évidence, qui va servir de site privilégié pour l’adhésion et la minéralisation des cellules osseuses et la liaison avec les tissus osseux environnants. / Image LPC

 

Avec cet outil les chercheurs ont patiemment testé de multiples compositions de bio-verres. Ajoutant des oligoéléments comme le strontium ou le zinc, naturellement présents dans l'os, pour intégrer l'effet stimulant, mélangeant un second matériau en polymère synthétique pour renforcer la tenue du matériau. Ainsi de suite jusqu'à obtenir la recette d'un bio-verre hybride macroporeux et dopé qu'ils ont finalement protégée avec 3 brevets.

Pour transformer l’essai, les chercheurs ont exploité la plateforme de l’IN2P3 AIFIRA hébergée au Centre d'Etudes Nucléaires de Bordeaux Gradignan (CENBG), qui permet de sonder la matière comme aucune autre. AIFIRA délivre des faisceaux d'ions de faible énergie qui traversent les échantillons, induisant ionisation ou réactions nucléaires. L'analyse des rayonnements caractéristiques induits par ces interactions révèle la nature des atomes heurtés, et permet ainsi de reconstituer par balayage la composition chimique de l'échantillon. "AIFIRA nous donne une véritable cartographie chimique de l'échantillon, nous révélant les atomes en présence et même leur concentration sur des zones aussi précises qu'un micron" précise Jonathan Lao, maître de conférences au LPC. Avec cet outil les chercheurs ont patiemment testé de multiples compositions de bio-verres. Ajoutant des oligoéléments comme le strontium ou le zinc, naturellement présents dans l'os, pour intégrer l'effet stimulant, mélangeant un second matériau en polymère synthétique pour renforcer la tenue du matériau. Ainsi de suite jusqu'à obtenir la recette d'un bio-verre hybride macroporeux et dopé qu'ils ont finalement protégée avec 3 brevets.
Implant osseux hybride à base de bioverre et polycaprolactone utilisé pour le comblement dentaire et breveté par le LPC. / Image LPC

 

Cicatrisation 2 fois plus rapide

"Quand notre bio-verre est utilisé pour combler un défaut osseux, il se résorbe progressivement. » Explique Edouard Jallot, professeur au LPC en charge du développement de ces matériaux. « Ses ions calcium s'associent avec les ions phosphates de l'organisme pour former des cristaux de phosphates de calcium. Ces cristaux s'associent alors à du collagène et reforment de l'os à la place du bio-verre." Ainsi, en quelques mois, un petit implant de bio-verre aura totalement disparu, remplacé par de l'os tout neuf. Mieux encore, une première évaluation a montré qu'avec le matériau du LPC la cicatrisation était 2 fois plus rapide qu'avec les procédés courants.

Suivi au microscanner à rayons X de la régénération osseuse dans un défaut comblé avec un hybride à base de bioverre et polycaprolactone (à gauche post-implantation, au milieu après 1 mois, à droite après 3 mois), l’os est en blanc.
Suivi au microscanner à rayons X de la régénération osseuse dans un défaut comblé avec un hybride à base de bioverre et polycaprolactone (à gauche post-implantation, au milieu après 1 mois, à droite après 3 mois), l’os est en blanc. / Image LPC

 

On le comprend, le bio-verre  hybride de l'équipe clermontoise est une alternative très sérieuse aux procédés actuels de réparation osseuse en chirurgie dentaire ou en chirurgie orthopédique. Notamment aux procédés les plus courants à base d’os animal ou humain et qui souffrent du risque de véhiculer des agents infectieux. Il a également vocation à surclasser les produits artificiels, comme les phosphates de calcium synthétiques, qui se dégradent moins vite et surtout n'ont pas de comportement bioactif.

Comparaison entre la porosité d’un implant hybride à base de bioverre (à gauche) et celle de l’os trabéculaire (à droite).
Comparaison entre la porosité d’un implant hybride à base de bioverre (à gauche) et celle de l’os trabéculaire (à droite). / Image LPC

Une commercialisation d’ici 2022

En septembre dernier la PME clermontoise OST-Développement, spécialiste des implants osseux a racheté les brevets. Elle a par ailleurs signé un programme de transfert industriel au mois de janvier en vertu duquel elle va, avec l'aide de l'équipe biomatériaux du LPC, amener le bio-verre hybride en phase de commercialisation d'ici 2022. Dans un premier temps, les implants seront proposés aux chirurgiens-dentistes pour la reconstitution osseuse des mâchoires en vue d'y fixer des implants dentaires. A terme, les chercheurs espèrent aussi investir le terrain de la chirurgie orthopédique. Une belle success-story interdisciplinaire dont on reparlera.

Pour aller plus loin :

J. Lao, X. Dieudonné, F. Fayon, V. Montouillout, E. Jallot

Bioactive glass–gelatin hybrids: building scaffolds with enhanced calcium incorporation and controlled porosity for bone regeneration.

Journal of Materials Chemistry B, 4 (14): 2486-2497 (2016).

Contact :

Emmanuel Jullien
Chargé de communication
communication@in2p3.fr

 

Edouard Jallot
Professeur à l'université Clermont Auvergne
Laboratoire de Physique de Clermont
edouard.jallot@clermont.in2p3.fr