Des impulsions d'atomes d'antihydrogène pour mesurer la gravité

Résultat scientifique

Mesurer la gravité à laquelle est soumise l'antimatière est un des défis actuels, avec pour enjeu de tester les lois fondamentales de la physique. Dans le cadre de la collaboration AEgIS au CERN, les physiciens et les physiciennes ont formé pour la première fois des atomes d'antihydrogène en mode pulsé, avec une précision temporelle inégalée de 250 ns, une étape majeure qui permettra de manipuler ces atomes et de mesurer avec précision l'accélération à laquelle est soumis l'antihydrogène sous l'effet de la gravitation terrestre.

Plusieurs programmes d'expériences au CERN ont pour projet d'étudier l'antihydrogène, la forme neutre la plus simple de l'antimatière : un atome d'antihydrogène (H ̅) est similaire à un atome d'hydrogène mais constitué d'un antiproton (p) au lieu d'un proton et d'un positron (e+) au lieu d'un électron (e-) [1]. Il s'agit plus précisément de sonder ses propriétés vis-à-vis de la gravité : s'applique-t-elle de la même manière à l'antimatière qu'à la matière comme le dit la théorie de la relativité générale ? S’il y a une différence, elle est probablement infime (< 10-6 g) et des expériences extrêmement sensibles et précises sont nécessaires pour la mesurer. L'expérience AEgIS (Antihydrogen Experiment: gravity, Interferometry, Spectrometry) a pour but de faire des mesures en utilisant des impulsions de faisceaux d'atomes d'atomes  H ̅ .  Une large collaboration internationale à laquelle ont participé des physiciennes et des physiciens du Laboratoire Aimé Cotton (LAC, CNRS/Univ Paris Saclay), du Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/Sorbonne Univ/ENS Paris/Collège de France) et l'Institut de Physique des deux Infinis de Lyon (IP2I Lyon, CNRS/Univ. Claude Bernard Lyon 1), vient de démontrer une nouvelle méthode de formation d'atomes H ̅, de façon pulsée, avec une détermination de l'instant de formation trois ordres de grandeur plus précise que pour les méthodes antérieures. C'est une étape décisive dans la réalisation des faisceaux d'atomes nécessaires pour ces études. Ce résultat est publié dans la revue Communications Physics.

Afin de former les atomes d'antihydrogène, un faisceau de positrons est envoyé sur une cible de silicium pour préalablement former des atomes de positronium (atomes formés d'un positron et d'un électron). Ces derniers sont excités par un laser impulsionnel dans des états de Rydberg, c'est-à-dire des états très excités pour lesquels les orbites de l'électron ou du positron sont très grandes. Ils cèdent ensuite leur positron à des antiprotons piégés à basse température par des champs électromagnétiques, ce qui conduit à la formation d'atomes H ̅. L'expertise des laboratoires français a été utilisée pour analyser et produire l'excitation laser des atomes de Rydberg du positronium qui ont la particularité de présenter un grand effet Doppler. Il s'agit ici de la première réalisation avec un mode pulsé d'atomes H ̅ et la précision inégalée obtenue sera mise à profit dans les futures expériences pour la manipulation des atomes par des lasers ou des champs électriques impulsionnels et les mesures de temps de vol.

[1] Un antiproton est une particule de même masse que le proton mais de charge négative. Un positron est une particule de même masse que l'électron mais de charge positive.

 

Expérience AEgIS
Figure 1 : Expérience AEgIS. Crédit : CERN

 

Référence

Pulsed production of antihydrogen. C. Amsler, M. Antonello, A. Belov, G. Bonomi, R. Sennen Brusa, M. Caccia, A. Camper, R. Caravita, F. Castelli, P. Cheinet, D. Comparat, G. Consolati, A. Demetrio, L. Di Noto, M. Doser, M. Fanì, R. Ferragut, J. Fesel, S. Gerber, M. Giammarchi, A. Gligorova, L.-T. Glöggler, F. Guatieri, S. Haider, A. Hinterberger, A. Kellerbauer, O. Khalidova, D. Krasnický, V. Lagomarsino, C. Malbrunot, S. Mariazzi, V. Matveev, S. Müller, G. Nebbia, P. Nedelec, L. Nowak, M. Oberthaler, E. Oswald, D. Pagano, L. Penasa, V. Petracek, L. Povolo, F. Prelz, M. Prevedelli, B. Rienäcker, O. Røhne, A. Rotondi, H. Sandaker, R. Santoro, G. Testera, I. Tietje, V. Toso, T. Wolz, P. Yzombard, C. Zimmer & N. Zurlo. Communications Physics. Publié le 08 février 2021.
DOI: 10.1038/s42005-020-00494-z
Article disponible sur la base d’archives ouverte hal

Contact

Daniel Comparat
Directeur de recherche CNRS, Laboratoire Aimé Cotton
Patrick Nédélec
Professeur à l'Univ. Claude Bernard Lyon 1, Institut de physique des deux infinis de Lyon
Communication CNRS Physique