Le LSM livre un nouveau détecteur de matière noire
Snoglobe, le nouveau détecteur de matière noire de la collaboration NEWS-G a été officiellement déclaré apte au service et a quitté le Laboratoire souterrain de Modane où il a été assemblé puis testé durant 3 mois. Retour sur les opérations avec Ali Dastgheibi-Fard, chercheur en charge du détecteur au LSM.
Dans le Laboratoire souterrain de Modane (LSM), l’espace était en ce début novembre encombré de grosses caisses estampillées SNOLABb Canada. Dedans, les pièces du nouveau détecteur de matière noire SNOGLOBE, entièrement fabriquées par les laboratoires de l’IN2P3 et du CEA/IRFU, ont été soigneusement emballées afin d’être réassemblées dans le laboratoire souterrain canadien de SNOLAB. Enfoui sous 2000m de roches, le détecteur gazeux de basse radioactivité va tester l’existence des présumés WIMPs (hypothétiques particules de matière noire) dans les basses masses, à savoir les WIMPs d’une énergie comprise entre 0,5 et 3 GeV.
Une préparation conduite au LSM
SNOGLOBE a été conçu assemblé et testé dans le laboratoire souterrain de Modane. « Ce site présente en effet un véritable intérêt pour conduire ces premières phases » explique Ali Dastgheibi-Fard, chercheur en charge du détecteur au LSM. « En plus d’être proche des laboratoires et entreprises chargés de sa fabrication, il est facile d’accès. On s’y rend horizontalement par une route assez large pour laisser passer des semi-remorques. En comparaison, le laboratoire Canadien SNOLAB situé au fond d’une mine en service, n’offre pas cette souplesse. Il faut y descendre par un ascenseur de 2 km, parcourir plusieurs centaines de mètres de galeries, et y porter une tenue de salle blanche. Quant aux matériels et composants d’une expérience, il faut les donner au service nettoyage au moins 1 à 3 semaines d’avant qu’ils puissent pénétrer le laboratoire. » Autant dire que l’on doit y réfléchir à deux fois avant d’y descendre. Sans compter la contrainte de taille. Ainsi le détecteur SNOGLOBE a dû être redimensionné de 2m de diamètre à 1,4m pour tenir dans l’ascenseur de la mine.
Le volume le moins exposé du globe
SNOGLOBE est une sphère dans laquelle le niveau de radioactivité est gardé le plus bas possible, afin d’éliminer au maximum tout bruit de fond et bien distinguer l’éventuel signal d’une interaction de matière noire avec le gaz qu’elle contient. Le nombre de ces événements annuels attendu se comptant sur les doigts d’une main durant une année, il ne faut pas les rater. D’infinies précautions ont donc été prises pour faire de SNOGLOBE l’endroit le moins exposé aux rayonnements de la Terre. De fait, le détecteur est stocké en sous-sol pour le protéger du rayonnement cosmique. Mais ça n’est pas suffisant. « La sphère a dû être fabriquée dans un cuivre pur à 99,99%, dépourvu d’impuretés susceptibles de rayonner » indique le chercheur du LSM, « ce cuivre est ensuite entouré d’un blindage de 3cm de plomb dit « archéologique » [ndlr : plomb qui a perdu toute sa radioactivité], et de 22 autres centimètres de plomb classique pour stopper les photons gamma de haute énergie venus de la roche du laboratoire. Le tout est enveloppé dans un carcan d’acier inoxydable. Enfin, 40 cm de polyéthylène entoure la totalité du blindage. Ce dernier joue le rôle de modérateur contre les neutrons ambiants. » Résultat, avec ces 40 tonnes de blindage et les plus de 1700 mètres de roches de la montagne, le nombre d’interactions dans le détecteur chute d’un facteur 10 000 comparé aux conditions de surface.
Une fois en place dans le laboratoire souterrain canadien, SNOGLOBE sera rempli de gaz inerte. Un mélange en différentes proportions d’hélium, de méthane et de néon qui servira de milieu d’interaction avec les WIMPs. La quête durera 2 à 3 années pendant lesquelles la collaboration NEWS-G ne compte pas se tourner les pouces. Car déjà deux détecteurs encore plus basse radioactivité sont en discussion. A n’en pas douter, le LSM sera sur les rangs pour les réaliser.
La collaboration NEWS-G : elle regroupe les laboratoires français LPSC avec le laboratoire souterrain de Modane, le CPPM, SUBATECH ainsi que le CEA/IRFU. Elle est conduite par la Queen’s University au Canada, et compte parmi les collaborateurs étrangers, les universités de Birmingham en Grande Bretagne, de l’Alberta au Canada, d’Aristotle en Grèce, ainsi que le Pacifique Northwest National Laboratory et le Royal Military College.
Une sphère de cuivre objet de toutes les précautions
La fabrication de la sphère en cuivre est la partie la plus délicate du détecteur Snoglobe. L’opération commence par la mise en demi-sphère par repoussage de deux disques de cuivre ultra pur. L’intérieur des demi-sphères est ensuite poli sur 2 microns d’épaisseur par « electropolishing » pour en éliminer les impuretés qui s’y seraient accumulées. Puis elle est recouverte d’un dépôt de 500 microns de cuivre ultra pur lui aussi. Ces opérations ont lieu au LSM sous une tente où l’air est nettoyé du radon ambiant pour empêcher qu’il ne contamine la sphère. Les deux parties sont ensuite envoyées à Paris pour être soudées par faisceau d’électrons, une technique qui évite l’ajout de matière contaminante. La sphère une fois fermée est nettoyée une dernière fois à l’acide avant d’être mise sous vide ou remplie de gaz inerte pour empêcher toute contamination.