LHCb : le modèle standard n’a qu’à bien se tenir !
En mars dernier, la collaboration LHCb (auprès du LHC, CERN) a présenté pas moins de quatre résultats majeurs d’une précision inédite aux Rencontres de Moriond et de la Thuile, chacun d’entre eux ouvrant la voie vers de nombreuses pistes pour déstabiliser le modèle standard de la physique des particules. Au programme de ce tour d’horizon : une particule neutre aux propriétés étonnantes, quatre nouveaux tétraquarks et un résultat intriguant et prometteur impliquant le muon.
Le modèle standard de la physique des particules qui décrit les particules élémentaires et leurs interactions est une véritable forteresse, résistant pour l’instant à toutes les expériences tentant de le mettre en défaut. Ce modèle n’étant pas suffisant, les physiciens et physiciennes cherchent de nouvelles pistes - et traquent les moindres déviations aux prédictions théoriques, qui pourraient potentiellement révolutionner notre compréhension de la physique. Pour cela, l’expérience LHCb mesure très précisément des phénomènes prédits comme très rares, afin de tester la validité du modèle dans ses moindres détails. Voici quatre de ces pistes :
Les deux premiers résultats publiés par LHCb concernent l’étude d’une particule tout à fait étonnante appelée Bs. Tout d’abord, ce méson neutre a la propriété quantique d'osciller environ 3 millions de millions (3.1012) de fois par seconde, entre particule et antiparticule, ceci pendant environ une picoseconde en moyenne, avant de se désintégrer. LHCb a mesuré cette fréquence d'oscillation avec une précision inédite de 3 pour mille, améliorant ainsi la précision moyenne mondiale d'un facteur trois. Converti en masse, l'effet mesuré correspond à une quantité de 2,1.10-35 grammes ! LHCb a mesuré avec une précision inégalée la probabilité que le méson Bs se désintègre en deux muons, ainsi que sa durée de vie. Elle a également publié la probabilité de désintégration du méson Bd en deux muons, ainsi que du mésons Bs en deux muons et un photon. L’ensemble de ces mesures combinées permettent de fixer de fortes contraintes sur les modèles théoriques au-delà du Modèle Standard, notamment ceux tentant d'expliquer les "anomalies de saveurs" : contrairement à ce que le Modèle Standard prévoit, les différences de comportement entre les trois leptons (électron, muon et tau) ne peuvent pas uniquement s’expliquer par leur différence de masse.)
Avec le troisième résultat, LHCb révèle l’existence de plusieurs nouvelles particules exotiques. Ce sont quatre tétraquarks : le Zcs(4000)+ et le Zcs(4220)+, constitués de 2 quarks charmés, un quark haut (up) et un quark étrange et se désintégrant en mésons J/ψ et K+, et le X (4685) et le X(4630) possédant 2 quarks charmés et 2 quarks étranges. Généralement, les quarks s'assemblent par groupes de deux ou trois pour former les hadrons. Ces tétraquarks, constitués de combinaisons inhabituelles de quarks, sont un « laboratoire » idéal pour l'étude de l'interaction forte, qui fait tenir ensemble les protons, les neutrons et les noyaux atomiques qui constituent la matière. Bien connaître cette interaction est indispensable pour détecter les signes d'une nouvelle physique. Au passage, le LHC continue à agrandir le "bestiaire" des particules, avec pas moins de 59 nouveaux hadrons découverts en 11 ans.
Le dernier résultat de l’expérience LHCb révélé au printemps 2021 est probablement le plus intrigant de tous, puisqu’il laisse entrevoir une possible violation d’une prédiction du modèle standard : l’universalité de la saveur leptonique. Les désintégrations impliquant un lepton auraient alors des probabilités différentes de se produire selon qu’il s’agit d’un électron ou d’un muon. Ce résultat demande cependant à être consolidé par des analyses et des prises de données complémentaires. L’IN2P3 vous expliquait cette mesure et sa portée le 26 mars 2021
Les six laboratoires LHCb en France, signataires de ce résultat :
- Centre de physique des particules de Marseille (CPPM, CNRS/Université Aix-Marseille)
- Laboratoire d'Annecy de physique des particules (LAPP, CNRS/Université Savoie Mont Blanc)
- Laboratoire de physique de Clermont (LPC, CNRS/Université Clermont Auvergne)
- Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie (IJCLab, CNRS/Université Paris Sud)
- Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (LPNHE, CNRS/Université Pierre et Marie Curie/Université Paris Diderot)
- Laboratoire Leprince-Ringuet (LLR, CNRS/École Polytechnique)
En savoir plus
- Nouveau résultat intriguant de l’expérience LHCb au CERN (26 mars 2021)
- Vers un nouveau continent de la physique (CNRS Le Journal, 13 avril 2021)
- 55e Rencontres de Moriond
- 34e Rencontres de la Thuile