La collaboration DESI propose en accès libre ses premières données collectées en 2020 depuis le télescope Mayall (Arizona) sur lequel son "usine" à spectres est installée.
La collaboration DESI propose en accès libre ses premières données. Elles ont été collectées en 2020 avec le télescope de 4m Mayall (Arizona). © 2018 The Regents of the University of California, Lawrence Berkeley National Laboratory

La collaboration DESI publie la position de 2 millions d’objets de l’Univers

Résultats scientifiques Astroparticules et cosmologie

La collaboration DESI, dont l’objectif est de réaliser une vaste cartographie de l’Univers en mesurant la distance de quelques 40 millions d’objets lumineux du ciel, rend publique aujourd’hui une première moisson de près de 2 millions de mesures et livre les premiers enseignements scientifiques de ce relevé. La collecte, effectuée entre décembre 2020 et juin 2021 depuis l’observatoire de Kitt Peak aux Etats-Unis, s’appuie sur un spectrographe unique au monde, capable d’analyser avec précision la lumière de 100 000 objets célestes par nuit.

L'Univers est grand, et il vient de s’agrandir encore ! Pour étudier l'énergie noire, la mystérieuse composante à l'origine de l'accélération de l'expansion de notre Univers, les scientifiques utilisent l’instrument DESI (Dark Energy Spectroscopic Instrument) pour cartographier plus de 40 millions de galaxies, de quasars et d'étoiles. La collaboration vient de rendre public le 13 juin son premier lot de données, avec près de 2 millions d'objets à exploiter par les chercheurs.

80 téraoctets de données

L'ensemble de données (80 téraoctets) provient de 2 480 prises de vue acquises durant les six mois de la phase dite de "validation du relevé" de l'expérience en 2020 et 2021. Au cours de cette période, entre la mise en marche de l'instrument et le début de la campagne scientifique officielle, les chercheurs se sont assurés que leur plan d'utilisation du télescope répondrait à leurs objectifs scientifiques - par exemple, en vérifiant le temps nécessaire pour observer des galaxies de luminosité différente et en validant la sélection des étoiles et des galaxies à observer.

"Le fait que DESI fonctionne si bien et que la quantité de données de qualité scientifique obtenues lors de la validation du relevé soit comparable à celle des études du ciel précédentes est une réussite monumentale", a déclaré Nathalie Palanque-Delabrouille, co-porte-parole de DESI et directrice de la division physique au Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab) du Department of Energy américain, qui gère l'expérience. "Cette étape importante montre que DESI est une formidable usine à spectres dont les données permettront non seulement d'étudier l'énergie noire, mais seront également utilisées par l'ensemble de la communauté scientifique pour aborder d'autres sujets, tels que la matière noire, l’effet de lentille gravitationnelle et la morphologie des galaxies."

Comprendre et caractériser l’histoire de l’expansion de l’Univers

Accompagnant la publication des données préliminaires, la collaboration a également publié une série d'articles s’appuyant sur une première mesure de l'échelle BAO (oscillations acoustiques de baryons). Cette échelle de distance caractéristique est observée dans la distribution spatiale des galaxies aujourd'hui. Elle correspond à la distance parcourue par des ondes acoustiques générées dans le plasma primordial (un mélange de baryons, d’électrons et de photons qui remplissait l’Univers à ses débuts) et qui se sont propagées jusqu'à ce que, sous l’effet de l’expansion, la matière et la lumière cessent d’interagir entre elles. « Mesurer, après quelques mois de données seulement, l’échelle BAO dans les échantillons préliminaires de galaxies rouges lumineuses et de galaxies brillantes proches, avec une précision seulement deux fois inférieure aux expériences des 10 dernières années est un succès remarquable et démontre la capacité de DESI à atteindre ses objectifs scientifiques. Nous visons une mesure de cette échelle avec une précision inférieure au pourcent en fin de relevé, ce qui permettra de comprendre et de caractériser l’histoire de l’expansion de l’Univers. C’est l’un des buts majeurs de la cosmologie observationnelle aujourd’hui » précise Pauline Zarrouk, chargée de recherche du CNRS travaillant dans DESI au LPNHE.

Excès de corrélation observé sous la forme d’un pic autour de 100 Megaparsec/h
L’échelle BAO est établie en mesurant les distances entre objets de l’Univers. Ici, on voit le résultat des mesures pour deux sortes d’objets caractéristiques : des galaxies brillantes proches (BGS , en bleu) et des galaxies rouges lumineuses (LRG, en rouge). Dans les deux cas, un excès de corrélation est observé sous la forme d’un pic autour de 100 Megaparsec/h. Cette valeur correspond à l’empreinte laissée par des ondes acoustiques qui se sont propagées dans le bain de matière et de lumière de l’Univers primordial. La position du pic de corrélation permet de contraindre l’histoire de l’expansion de l’Univers. Les mesures sont comparées à un modèle BAO théorique simple (courbe en pointillés) montrant l’amplitude attendue du signal à la distance moyenne des échantillons cibles. Source : https://arxiv.org/pdf/2304.08427.pdf

5000 positionneurs de fibres optiques robotisés

DESI utilise 5 000 positionneurs robotiques pour déplacer des fibres optiques à la surface du plan focal du télescope. Ce système permet de collecter en grand nombre et une à une la lumière de cibles lointaines préalablement sélectionnées et présentes dans le champ de vue du télescope. Il s'agit du spectrographe d'étude multi-objets le plus puissant au monde, capable, avec ses 10 spectromètres fonctionnant simultanément, de décortiquer le spectre lumineux (la composition lumineuse) de plus de 100 000 galaxies en une nuit. Ces spectres indiquent aux chercheurs la distance à laquelle se trouve un objet, leur permettant d'établir une carte cosmique en 3D.

Infographie DESI
L'instrument DESI est installé 8 m au-dessus du miroir primaire du télescope Mayall, au plan focal. La lumière de millions de galaxies préalablement sélectionnées est captée au moyen d'un jeu de 5000 fibres optiques déplacées par de petits positionneurs robotisés. La lueur de chacune des galaxies est ensuite dirigée jusqu'aux 10 spectrographes qui en font l'analyse.

En effet, les spectres permettent de mesurer une caractéristique des galaxies connue sous le nom de décalage vers le rouge, ou redshift, qui est d’autant plus grand que la galaxie est éloignée. DESI est spécialisé dans la collecte de ces redshifts qui peuvent ensuite être utilisés pour résoudre certaines des plus grandes énigmes de l'astrophysique : quelle est la nature de cette énergie noire, qui influe sur la vitesse d’expansion de l’Univers et comment elle a évolué au cours de l'histoire de l'Univers.

Si l'objectif premier de DESI est de comprendre l'énergie noire, une grande partie des données peut également être utilisée dans le cadre d'autres études astronomiques. Par exemple, les premières données publiées contiennent des images détaillées de certaines régions du ciel bien connues, comme le champ profond de Hubble. Deux découvertes intéressantes ont déjà été faites : la preuve d'une « migration » massive d'étoiles dans la galaxie d'Andromède (la mesure des mouvements de 7500 étoiles de cette galaxie montrent que ces étoiles ont commencé leur vie dans une autre galaxie qui a fusionné avec Andromède il y a environ 2 milliards d’années) et les quasars les plus distants jamais observés. Ces trous noirs supermassifs, extrêmement brillants et actifs, s’observent parfois au centre des galaxies.

Les 10 spectrographes assemblés et testés en France

La validation du relevé a également permis de démontrer l’excellente performance des dix spectrographes de DESI et d’optimiser le traitement des données brutes. Ces instruments ont été assemblés et testés en France par une collaboration regroupant des équipes du CNRS-INSU/IN2P3 et des universités partenaires1 (LAM/CPPM - Aix-Marseille Université, LPNHE - Sorbonne Université), l’Irfu (CEA-Paris Saclay), et la société Winlight System (Pertuis, France). Alors que l’Irfu a réalisé la conception du système cryo-mécanique qui intègre les capteurs CCD à la partie caméra des spectrographes, les équipes du CNRS-INSU/IN2P3 et des universités partenaires ont réalisé les réglages optiques de ces ensembles et les tests de qualification. En particulier, le LPNHE a eu la responsabilité de la mesure de la transmission des spectrographes. « La mesure des transmissions des spectrographes avait été précédemment identifiée comme un test critique, car une transmission trop faible pouvait réduire considérablement les performances de DESI » a expliqué Laurent Le Guillou, Maître de conférences à Sorbonne Université et chercheur au LPNHE. « Nous avons conçu, testé et construit un dispositif opto-mécanique permettant de calibrer le flux absolu injecté dans les spectrographes, puis, par comparaison avec la mesure du flux lumineux intégré sur les capteurs CCD de ces derniers, d'estimer la transmission optique de chaque bras du spectrographe à plusieurs longueurs d'onde. » Un test qui s’est avéré indispensable pour valider les performances des spectrographes. Par ailleurs, le système de calibration de l’instrument DESI (qui permet d’associer à chaque photon collecté une longueur d’onde) a été entièrement conçu et réalisé par le LPNHE, qui en assure également la maintenance durant les 5 années de l’expérience.

26 millions de redshifts déjà collectés

Les données préliminaires de DESI sont désormais accessibles gratuitement par l'intermédiaire du National Energy Research Scientific Computing Center (NERSC, Berkeley, USA). Il reste encore beaucoup de données à obtenir de l'expérience. DESI, qui a démarré il y a deux ans, a pris de l'avance sur son objectif de collecter plus de 40 millions de redshifts. L'étude a déjà catalogué plus de 26 millions d'objets astronomiques au cours de son cycle scientifique, et en ajoute plus d'un million par mois.

DESI est soutenu par le DOE Office of Science et par le National Energy Research Scientific Computing Center, un centre de calcul du DOE Office of Science. DESI bénéficie également du soutien de la National Science Foundation des États-Unis, du Science and Technologies Facilities Council du Royaume-Uni, de la Gordon and Betty Moore Foundation, de la Heising-Simons Foundation, du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du Conseil national de la science et de la technologie du Mexique, du ministère des Sciences et de l'Innovation de l'Espagne, ainsi que des institutions membres de DESI.

La collaboration DESI est honorée d'être autorisée à mener des recherches scientifiques sur l'Iolkam Du'ag (Kitt Peak), une montagne qui revêt une importance particulière pour la nation Tohono O'odham.

  • 1Au Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (CNRS-IN2P3/Sorbonne Université), au Centre de physique des particules de Marseille (CNRS-IN2P3/Aix-Marseille Université) et au Laboratoire d'astrophysique de Marseille (LAM, AMU/CNRS-INSU/CNES).

Fly through space with DESI

Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI) établit une carte 3D de l'espace afin de comprendre l'énergie noire, la force à l'origine de l'accélération de l'expansion de notre univers. Une partie des travaux préparatoires de DESI a consisté à réaliser l'étude "One-Percent Survey" présentée dans cette vue d'ensemble. Les chercheurs ont pris des images détaillées dans 20 directions différentes du ciel, créant une carte en 3D de 700 000 objets et couvrant environ 1 % du volume total que DESI étudiera. L'instrument et le programme d'observation ayant été testés avec succès, DESI s'emploie désormais à combler les lacunes entre ces points.

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Contact

Pauline Zarrouk
Chercheuse CNRS au LPNHE et responsable scientifique du projet DESI pour CNRS Nucléaire & Particules
Christophe Balland
Enseignant-chercheur au Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies (LPNHE)
Vincent Poireau
DAS Astroparticules et cosmologie
Emmanuel Jullien
Responsable du service communication de l'IN2P3