LHC : un résultat « aux tops » pour l’expérience ATLAS
La collaboration ATLAS annonce la mise en évidence d’un phénomène aussi rare que spectaculaire : la production simultanée de quatre quarks tops. Cette mesure, qui a donné beaucoup de fil à retordre aux scientifiques, a été présentée fin mai à la conférence Large Hadron Collider Physics (LHCP2020). Elle devrait permettre de tester le Modèle Standard de la physique des particules dans des régions encore inexplorées. Retour sur cette chasse de 10 ans avec Romain Madar du Laboratoire de physique de Clermont.
L’étude du quark top, particule élémentaire la plus massive du Modèle standard, revêt une importance toute particulière dans la recherche de physique au-delà du Modèle Standard. En effet, sa masse importante en fait un laboratoire d’étude à une énergie naturellement élevée, où de nouveaux phénomènes pourraient apparaître. « Au LHC, le quark top est copieusement produit par paires, mais en théorie on s’attend aussi à le voir produit par groupes de quatre à une fréquence beaucoup plus faible : pour un million de paires de quark top, on s’attend à produire environ 50 000 bosons de Higgs, et seulement une dizaine de quartets de quark tops ! » explique Romain Madar, chercheur CNRS au Laboratoire de Physique de Clermont-Ferrand, dans le groupe à l’origine de cette quête. « Ce type de collision était resté inobservé jusqu’à cette année. »
En plus d’être rare, ce processus est difficile à identifier car il implique une signature complexe dans le détecteur. Notamment parce que la production de quatre quarks top se traduit par un état final ayant entre autres un grand nombre de quarks légers et quatre quarks beaux. Les quarks n’étant pas mesurables individuellement, ceux-ci se matérialisent dans le détecteur par de grandes gerbes hadroniques (ou jets) très difficiles à séparer du bruit de fond. La présence de quatre quark beaux est l’une des signatures caractéristiques de ce signal, et induit un bruit de fond d’autant plus problématique qu’il provient de processus rares, et donc encore mal connus.
« Avec d’autres collègues d’ATLAS, nous avons dû mettre en place des stratégies d’analyse pour comprendre en détails le comportement de ces bruits de fond, » résume Romain Madar. Et le travail est payant. Après avoir analysé l’ensemble des données enregistrées entre 2015 et 2018 (deuxième phase d’exploitation ou run2), correspondant à 139 inverse femtobarns (fb-1), les scientifiques mettent enfin en évidence ce phénomène rare et complexe.
La première mesure présentée cette année correspond à une signification statistique de 4,3 déviations standards. Légèrement au-dessus des 2.4 déviations standards prédites par le Modèle Standard, cette mesure devient encore plus intéressante. Pour confirmer ou infirmer cette légère tension entre théorie et expérience, les physiciens et physiciennes d’ATLAS devront attendre les données de la troisième phase d’exploitation du LHC (qui permettra d’accumuler 300 fb-1 de données), prévue pour 2021. La phase suivante du LHC, dite de haute luminosité (HL-LHC) et prévue pour 2027, devrait permettre une étude plus précise de ce processus spectaculaire.
Pour aller plus loin
- Article publié sur le site de la collaboration ATLAS https://atlas.cern/updates/physics-briefing/evidence-four-top-quark-production
- Publication scientifique (Note de conférence ATLAS) : https://atlas.web.cern.ch/Atlas/GROUPS/PHYSICS/CONFNOTES/ATLAS-CONF-2020-013/
- Article publié sur la page web du groupe ATLAS du LPC Clermont : http://cern.ch/atlas-clermont/acts_ss2l.html