Une nouvelle voie de production pour obtenir du cuivre 67 très pur
De nouvelles approches anticancéreuses cherchent à utiliser des couples de radionucléides pour combiner traitement et imagerie. Le couple cuivre 67/cuivre 64 est l’un des plus prometteurs. Une équipe composée de scientifiques de SUBATECH et d’ARRONAX fait franchir un cap à cette solution, en posant les bases d’une voie de synthèse très pure du cuivre 67. Une étude parue dans la revue Frontiers in Medicine(1).
« En disposant d’un faisceau suffisamment intense comme le LINAC de SPIRAL2 et avec les cibles adéquates, il est tout à fait envisageable de produire du cuivre 67 très pur et en quantités suffisantes pour l’utiliser dans un cadre thérapeutique » estime Etienne Nigron, posdoctorant à ARRONAX et premier auteur de cette nouvelle étude destinée à tester la validité d’une nouvelle voie de synthèse très pure de cet isotope. Etude menée par l’équipe PRISMA (2) de SUBATECH sur l’accélérateur Arronax. L’annonce est importante car le cuivre 67 est pressenti pour faire équipe avec le cuivre 64 dans le cadre d’une nouvelle approche médicale anticancéreuse, dite théranostique (contraction de thérapie et de diagnostique), mais il lui manquait une voie de synthèse suffisamment pure et productive pour y prétendre.
Cette approche théranostique envisage d’utiliser une même molécule vectrice pour acheminer sur les zones malades deux radionucléides différents : le premier pour l’imagerie nucléaire et le diagnostic, et le second pour la radiothérapie. Ainsi, ce qui sera vu à l’image pendant le diagnostic sera précisément ce qui sera traité pendant la thérapie. Un tel système est possible à condition d’utiliser des isotopes différents d’un même noyau, dont la chimie est la même vis-à-vis du vecteur, mais le comportement radioactif différent. C’est le cas du couple cuivre 64/cuivre 67. Le cuivre 64 est adapté à la production d’images et le cuivre 67 à la radiothérapie. Bien entendu, les radionucléides sont injectés à des moments différents et il est très important, dans l’objectif de minimiser la dose radioactive injectée au patient, de disposer des produits les plus purs possibles. C’est pourquoi la validation de cette nouvelle voie de production s’avère prometteuse.
Aucune contamination au cuivre 64
Les scientifiques nantais proposent de partir du zinc 70 de le faire réagir avec un faisceau de deutons. La réaction produit alors du cuivre 67, ainsi qu’une ribambelle d’autres noyaux, mais, et c’est là l’essentiel, aucun cuivre 64. En effet, toutes les autres voies de synthèse existantes sont contaminées par l’apparition à divers degrés de cuivre 64, et celui-ci, une fois mélangé au cuivre 67, est impossible à déloger chimiquement, contrairement à tous les autres noyaux. Avec la voie du zinc 70, une fois que la cible a été irradiée, il suffit donc de la dissoudre pour en extraire par voie chimique le précieux cuivre 67 dépourvu de contaminants. Seule ombre au tableau, le zinc 70 est assez rare et il faudra trouver un moyen de production économiquement viable pour fabriquer les cibles très pures. Mais le chercheur est confiant. « Il faut garder à l’esprit que seulement quelques pourcents du zinc 70 sont affectés par l’irradiation. Le matériau restant pourra donc être réutilisé de nombreuses fois. »
Cette voie de production était déjà connue, mais personne ne l’avait testée en détail pour en déterminer le potentiel. Ce travail minutieux a été confié à Etienne Nigron, qui, pour cela, a exposé aux faisceaux de deutons de l’accélérateur ARRONAX et à de nombreuses énergies différentes, des cibles très pures de zinc 70. Il a ainsi déterminé le niveau d’énergie auquel la production de 67Cu atteint son meilleur rendement et préparé la voie à la production du cuivre 67 dans des accélérateurs plus intenses, comme SPIRAL2. « Le rendement des réactions sur ARRONAX suffirait à alimenter des études cliniques, mais pas une campagne de traitement, précise Etienne Nigron. Pour produire en grande quantité, il faudra aller sur des accélérateurs comme au GANIL. » C’est vers ces nouveaux développements que l’équipe PRISMA de SUBATECH va désormais se tourner.
(1) Etienne Nigron, Arnaud Guertin, Ferid Haddad et Thomas Sounalet, « Is 70Zn(d,x)67Cu the Best Way to Produce 67Cu for Medical Applications? », Front. Med., 05 July 2021.
(2) Physics of Radiation InteractionS with Matter and Applications