Sophie Henrot-Versillé dans son bureau à IJCLab
« La cosmologie et ses questions fondamentales sur l’origine des perturbations primordiales, de l’énergie noire ou de la matière noire est un champ disciplinaire inter-institutionnel au CNRS » Sophie Henrot-Versillé, chercheuse à IJCLab et directrice du GDR CoPhy - Image : Dominique Longieras IJCLab/IN2P3

Un nouveau GDR pour étudier la physique de l’Univers

Institutionnel Astroparticules et cosmologie

Le premier janvier dernier, un nouveau GDR consacré à la physique appliquée à la cosmologie a vu le jour au sein du CNRS : le GDR CoPhy pour « Cosmological Physics ». Ce domaine scientifique s’intéresse à tous les processus qui sculptent l’Univers dans son entier, depuis ses débuts jusqu’à aujourd’hui. Des générations d’instruments terrestres et spatiaux ont en effet produit des relevés de plus en plus vastes, profonds et détaillés du cosmos faisant de l’Univers un véritable objet d’étude. Le GDR CoPhy a pour ambition d’animer et d’aider à structurer ce domaine de recherche en France. Sophie Henrot-Versillé, chercheuse à IJCLab et directrice de ce GDR coanimé par l’IN2P3, l’INSU et l’INP, nous en dit plus sur CoPhy et ce fascinant domaine qu’il explore.

À quelles énigmes concernant notre Univers la cosmologie tente-t-elle de répondre ?

Les cosmologistes s'intéressent à l'Univers dans son ensemble. En étudiant ses propriétés, ils cherchent à comprendre son origine, sa structuration et son évolution. Ils s'appuient pour cela sur le modèle ΛCDM, ou modèle standard de la cosmologie, basé sur la relativité générale.

L’obtention d’une image cohérente de toutes les observations dans le cadre unifié de ce modèle a nécessité l'introduction de trois ingrédients : tout d’abord la matière noire et l’énergie noire, dont nous savons aujourd’hui qu’elles constituent respectivement environ deux tiers et un tiers du contenu en énergie de l’Univers (l'énergie noire étant responsable de son expansion accélérée). Néanmoins, ces deux éléments, et notamment leur nature, restent des énigmes pour lesquelles nous espérons pouvoir apporter des précisions avec les données des futurs observatoires.

Ce modèle dit de concordance de la cosmologie s’appuie également sur l’existence de fluctuations primordiales ayant servi de graines à la formation des grandes structures. Ces fluctuations pourraient être issues d’une phase d’inflation qui nécessite d’un point de vue théorique de marier relativité générale et théorie des champs. C’est une autre énigme dont on cherche à déterminer expérimentalement si cette inflation a existé.

Quelles observables sont étudiées par cette physique ?

Nous faisons des relevés de galaxies pour cartographier leur distribution ainsi que leur évolution en fonction de leur distance, afin de mieux comprendre, entre autres, la nature de l'énergie noire et son évolution. Nous étudions également le fond diffus cosmologique, un rayonnement qui nous vient des premiers âges de l'Univers, alors qu'il n'avait que 380 000 ans. Son observation nous renseigne sur l'âge et le contenu énergétique de l'Univers, mais aussi sur l'existence de cette fameuse phase d'expansion brutale qui aurait suivi le Big Bang. Nous étudions également les supernovas, les quasars ou encore les amas de galaxies, qui nous renseignent sur l'expansion et nous permettent de reconstruire la distribution de matière en fonction du temps. Depuis peu, les ondes gravitationnelles ont été intégrées dans le champ de nos investigations et nous explorons aussi de nouvelles sondes, comme l'observation de l'intensité de la raie à 21 cm de l'hydrogène susceptible de nous renseigner sur la phase dite de réionisation de l'Univers. Toutes ces sondes sont autant de leviers qui nous permettent de tester le modèle standard de la cosmologie et ses extensions sous des angles différents. Plus elles seront nombreuses, plus nous pourrons éprouver le modèle et mieux le caractériser ou le mettre en défaut. 

Pourquoi avoir créé ce GDR cosmologie en 2023 ?

La cosmologie entame une décennie faste avec une moisson de nouvelles données, inédite par sa précision et son ampleur. Il y a le relevé DESI qui fonctionne de façon exceptionnelle avec des données de très grande qualité. Le satellite Euclid sera lancé en juillet prochain pour faire un relevé sur l'Univers tout entier cette fois. Le télescope Vera Rubin/LSST commencera un relevé en profondeur de tout le ciel austral pendant 10 ans à partir de 2024. Les premières données sur le ciel de Simons Observatory sont attendues à partir de 2024. Ce GDR arrive donc à un moment clé. Il complète les outils d’animations scientifiques existant que sont l’action Dark Energy, CMB-France et TUG (Théorie, Univers et Gravitation), en prenant en charge l’organisation de colloques annuels regroupant l’ensemble des acteurs impliqués dans ces différents sujets, expérimentateurs, phénoménologistes et théoriciens. CoPhy devrait permettre d’accroître les échanges scientifiques transverses à l'échelle nationale, à la fois pour partager les résultats mais aussi pour prendre du recul face à cette avalanche de données. Il pourra permettre, par exemple, de mettre en commun les expertises pour développer les  études de cross-corrélations, mais aussi pour faire émerger de nouveaux sujets ou tester des alternatives au modèle de concordance, en étroite collaboration avec les théoriciens.

Pourquoi ce GDR est-il co-animé par ses scientifiques des 3 instituts du CNRS : IN2P3, INSU et INP ?

La cosmologie et ses questions fondamentales sur l’origine des perturbations primordiales, de l’énergie noire ou de la matière noire est un champ disciplinaire pluri-instit au CNRS. Les scientifiques de  l'IN2P3, de l'INSU, et de l'INP travaillent ensemble au quotidien sur ces thématiques, tout comme ils interagissent en permanence avec leurs collègues du CEA. Il est donc important que tous les scientifiques de tous ces instituts soient représentés afin de veiller à l'équilibre et à la représentativité de chacun et chacune et de s'assurer de la bonne articulation entre le GDR et les structures d'animation déjà existantes comme le Programme National de Cosmologie et Galaxies (PNCG).

Quels profils de chercheurs ou chercheuses faut-il avoir pour participer à CoPhy ?

On retrouve dans ce GDR tous les acteurs français de la cosmologie. Celles et ceux qui travaillent sur les grands relevés dans les collaborations EUCLID, LSST, ZTF, ou encore DESI, mais aussi d’autres qui étudient le fond diffus cosmologique (dans le cadre d’ACT, SPT, Simons Observatory ou encore CMB-S4 et LiteBIRD). Il regroupe également les théoriciens et les phénoménologistes, qui élaborent des théories alternatives, comme la gravitation modifiée ou qui cherchent des moyens de tester des théories par l'observation ou la mesure de nouvelles observables. Néanmoins, au-delà des seuls cosmologistes, tous les scientifiques sont les bienvenus, qu’ils soient spécialistes des ondes gravitationnelles, de la détection de particules de matière noire, de l'étude des galaxies ou des neutrinos. Les physiciens et physiciennes des particules ont aussi un rôle à jouer. Si l’on montre qu'il y a eu une phase d’inflation dans l’Univers primordial, suivie d'une phase “réchauffage” permettant l'apparition des particules du modèle standard, une connexion entre la cosmologie et la physique des particules sera nécessaire. Enfin il est très important pour nous d'accueillir et de donner de la visibilité à de jeunes chercheurs et chercheuses afin qu'ils aient l'opportunité de développer leurs collaborations et faire connaître leur travail et leur expertise.

Quels développements peut-on attendre de ce domaine dans les années à venir ?

Énormément ! Avec tous les relevés, en cours ou qui démarreront prochainement, nous allons pouvoir préciser la nature de l'énergie noire et mieux comprendre l’expansion de l’Univers. Nous devrions pouvoir mesurer suffisamment précisément la somme des masses des neutrinos pour être sensibles à la hiérarchie de masse avec des données cosmologiques. Nous allons peut-être mettre en évidence les ondes gravitationnelles primordiales, à travers la découverte des modes B de polarisation primordiaux du CMB, susceptibles de nous renseigner sur la phase d’inflation. Nous allons gagner en précision sur tous les paramètres, et pouvoir véritablement sonder le modèle standard, mieux en comprendre les différents aspects ou le mettre en défaut, et tester les multiples propositions de théories alternatives. Les années à venir devraient être très riches pour la cosmologie !

En savoir plus sur le GDR CoPHy

Direction :

  • Sophie Henrot-Versillé, IJCLab (Directrice)
  • Samuel Boissier, LAM (Directeur adjoint)
  • Vincent Vennin, LPENS (Directeur adjoint)

Site internet : https://gdrcophy.in2p3.fr/

Le GDR est organisé en 4 groupes de travail :

  • Dark Energy, animé par Alain Blanchard, IRAP, Philippe Brax, IPhT et Pauline Zarrouk, LPNHE.
  • Cosmic microwave background, animé par François Bouchet, IAP et Matthieu Tristram, IJCLab.
  • Théorie Univers et gravitation, animé par Vivian Poulin, LUPM et Pasquale Serpico, LAPTH.
  • Tools and methodology, animé par Guilhem Lavaux, IAP et Yann Rasera, LUTH.

À télécharger : Présentation de la mission du réseau thématique

Contact

Sophie Henrot-Versillé
Chercheuse à IJCLab et directrice du GDR CoPhy
Vincent Poireau
DAS Astroparticules et cosmologie
Emmanuel Jullien
Responsable du service communication de l'IN2P3