Mickaël Rigault, cosmologiste, lauréat de la médaille de bronze du CNRS

Bourse et prix Portrait

Chercheur en cosmologie observationnelle à l’IP2I de Lyon, spécialiste des supernovæ de type Ia, Mickaël Rigault est responsable du groupe cosmologie de ZTF (Zwicky Transient Facility), premier sondage couvrant l’ensemble du ciel visible quasi-quotidiennement.

Mickaël Rigault est « supernoviste », autrement dit, un expert des supernovæ, ces explosions titanesques par lesquelles se conclut la mort de certaines étoiles. Dans ce sulfureux bestiaire cosmique, le chercheur, basé à l’IP2I (Lyon), s’intéresse en particulier aux supernovæ de type Ia, des explosions thermonucléaires utilisées par la cosmologie moderne comme signal étalon pour sonder la dynamique de l’Univers à travers les âges. Ces explosions, déclenchées par l’absorption de matière issue d’un astre secondaire par une naine blanche, émettent un rayonnement supposé être toujours de même intensité, quel que soit l’endroit dans l’Univers où il se produit. Mais comme va le démontrer Mickaël dès sa thèse de doctorat, la constance de ce rayonnement mérite d’être nuancée, avec des implications importantes pour la cosmologie.

Au cours de son doctorat, réalisé à l’université Claude Bernard de Lyon entre 2010 et 2013, Mickaël étudie la manière dont l’environnement des supernovæ est lié au processus de leur formation en s’appuyant sur les données de la collaboration « Nearby SuperNova Factory ». La collaboration l’amène notamment à Berkeley, où il travaille aux côtés de Saul Perlmutter, prix Nobel de physique en 2011. Ses travaux aboutissent à un premier résultat remarquable : en analysant le taux de formation stellaire dans l’environnement des supernovæ de type Ia, Mickaël et ses collaborateurs remarquent que celles situées au cœur de régions riches en jeunes étoiles sont moins lumineuses en moyenne que celles nichées dans les régions où les étoiles observées sont plus anciennes. Conclusion : l’âge de l’étoile progénitrice constitue un facteur déterminant dans la variation de la luminosité des supernovæ. Or, les implications de cette observation dépassent largement le cadre de la caractérisation des supernovæ de type Ia : la question de la luminosité de ces objets est essentielle dans l’estimation des distances séparant les objets célestes, à partir desquelles sont calculées les propriétés de l’énergie noire et la valeur de la constante de Hubble (H0), qui décrit le taux actuel d’expansion de l’Univers.

« Utiliser les supernovæ de type Ia comme « chandelles standard », comme points de repère dans l’Univers, fonctionne dès lors que l’on présuppose leur luminosité absolue constante : en admettant cette luminosité constante, il devient possible de déduire la distance nous séparant d’une supernova donnée à partir de l’observation de son flux lumineux. Introduire l’hypothèse d’une luminosité variable revient donc à admettre que l’estimation des distances cosmologiques ait été biaisée, ce qui impacte nécessairement le calcul de H0 », explique Mickaël. Un facteur susceptible de modifier la valeur de H0 ? Voilà ce dont les cosmologistes sont en quête depuis une décennie. En effet, la valeur de la constante dérivée des observations de supernovæ ne rejoint pas celle déduite en se basant sur le fond diffus cosmologique, une tension toujours non résolue qui agite la cosmologie. 

Dans ce contexte, le résultat de Mickaël jette un pavé dans la mare : les biais dans la mesure des distances cosmologiques dus à une compréhension lacunaire des supernovæ pourraient-ils expliquer la tension autour de la valeur de H0 ? L’hypothèse est si convaincante qu’à son arrivée à l’IN2P3 après deux post-doctorats en Allemagne, Mickaël obtiendra une bourse ERC dans l’optique de l’explorer en profondeur. À Clermont-Ferrand puis à Lyon, les ressources mobilisées dans le cadre de ce projet ERC baptisé USNAC (Understanding Type la Supernovae for Accurate Cosmology) lui permettent de poursuivre, à la tête d’une nouvelle équipe de doctorant.e.s et post-doctorant.e.s, l’analyse des supernovæ, avec H0 en ligne de mire : « En tant que jeune chercheur, on a envie de tout faire, de répondre à toutes les questions, à toutes les demandes. C’est enthousiasmant, mais aussi souvent frustrant. Avec la bourse ERC, je pouvais soudainement mener l’ensemble de mes projets de front. C’était une opportunité incroyable ».

Au-delà des ressources, c’est aussi et surtout l’inflation conséquente des données disponibles qui catalyse les recherches de Mickaël et de son groupe. En effet, il rejoint en 2016 le projet ZTF, grand sondage photométrique basé à Caltech, aux États-Unis, qui triple le nombre de supernovæ accessibles aux supernovistes du monde entier. Mickaël s’épanouit très vite au sein de ZTF, une collaboration « à taille humaine, où il est possible d’intégrer la manière dont les données sont produites à tous les niveaux ». Il en est aujourd’hui le responsable du groupe cosmologie, tout en coordonnant la recherche française au sein de la collaboration.

ZTF a ouvert les horizons de la recherche sur les supernovæ, les données issues du sondage apportant un nouvel éclairage sur l’hypothèse formulée par Mickaël et son équipe pendant sa thèse. Aujourd’hui, il est donc admis que la mesure des distances dans l’Univers, et donc celle de H0, doit prendre en compte la variation de la luminosité des supernovæ, bien que ce seul facteur ne semble pas suffisant pour expliquer l’écart entre les différentes valeurs calculées de H0.

Sa médaille de bronze en poche, Mickaël appréhende l’avenir de son domaine de recherche avec optimisme : les supernovæ détiennent toujours des clefs importantes de notre compréhension de la composition et de l’expansion de l’Univers, et le sondage LSST du télescope Rubin, sur lequel s’appuieront les futurs travaux de Mickaël, s’apprête à propulser la discipline dans de nouvelles dimensions : « ZTF, c’est 10 % des données promises par LSST. Atteindre ce nouvel ordre de grandeur nous permettra d’étendre considérablement le champ des propriétés de l’Univers étudiables par le biais des supernovæ. Jusqu’à présent, ces objets nous éclairaient sur l’histoire de l’Univers, de son expansion. Avec ZTF puis LSST, nous pourrons mesurer les vitesses particulières des supernovæ, les corréler entre elles pour mesurer la distribution de la matière dans l’Univers et affiner toujours plus nos modèles cosmologiques ».

 

Contact

Mickaël Rigault
Chercheur à l'IP2I Lyon et responsable du groupe ZTF Supernovae-Cosmology
Vincent Poireau
DAS Astroparticules et cosmologie
Thomas Hortala
Chargé de communication