La supernova de type Ia 1994D (en bas à gauche) explose dans les environs de la galaxie NGC4526. Image : NASA/ESA/Hubble/High-z supernovae search team

La collaboration ZTF dénombre plus de 10 000 supernovæ

Collaboration Astroparticules et cosmologie

Il y a sept ans, une collaboration internationale d'astronomes installait une caméra de pointe sur un télescope robotisé à l'observatoire de Palomar, près de San Diego. Aujourd'hui, cette collaboration baptisée «Zwicky Transient Facility» (ZTF), à laquelle contribue CNRS Nucléaire & Particules, annonce avoir réalisé plus de 10 000 détections de supernovæ cosmiques, soit, de loin, le plus grand recensement jamais effectué. Objectif, mesurer avec une précision toujours plus fine, l'histoire de l'expansion de l'Univers. 

« Il y a des milliards d'étoiles dans l'Univers, et environ chaque seconde, l'une d'entre elles explose. ZTF détecte des centaines de ces explosions chaque nuit et une poignée d'entre elles sont ensuite confirmées comme étant des supernovæ.1  En procédant systématiquement de la sorte pendant sept ans, nous avons obtenu le registre le plus complet de supernovæ confirmées à ce jour », explique Christoffer Fremling, astronome à l’Institut de technologie de Californie (Caltech), qui dirige le programme BTS (Bright Transient Survey) de ZTF, consacré à la recherche de supernovæ. 

Le Bright Transient Survey est actuellement la source principale de découverte de ces éclairs cosmiques – appelés « événements transitoires » dans le monde. ZTF partage un flux de détections d’événements transitoires avec l'ensemble de la communauté astronomique en vue d'une étude plus approfondie par le biais d'une analyse spectrale. Cette analyse permet de révéler la distance, le type et d'autres propriétés physiques d’un événement transitoire. La plupart des événements de l'échantillon de BTS sont classés dans l'un des deux types les plus courants : supernova de type Ia, lorsqu'une naine blanche vole de la matière à une étoile voisine jusqu'à l’explosion, ou supernova de type II, lorsqu’une étoile massive meurt et s'effondre sous l’effet de sa gravité. Grâce à ces données, les astronomes sont désormais mieux équipés pour investiguer le fonctionnement de l'énergie noire et comprendre les processus à l’œuvre dans la mort des étoiles.

« Avec ZTF, nous avons maintenant collecté plus de supernovæ de Type Ia que l’ensemble des sondages de ces trente dernières années avait apporté » remarque Mickaël Rigault, responsable du groupe ZTF en France et du programme « Cosmologie » de la collaboration. Environ 70 % des supernovæ de l’étude BTS ont été détectées et classées par l'équipe ZTF grâce au travail complémentaire de deux télescopes de l'observatoire Palomar, près de San Diego. Le premier est le télescope Samuel Oschin, de 1,2 m de diamètre. Il scrute l'ensemble du ciel visible toutes les deux nuits à l'aide d'une caméra grand champ de 60 millions de pixels montée sur son foyer. Pour détecter de nouveaux événements astronomiques, les astronomes soustraient les images de la même portion du ciel des balayages suivants. 

Dans la phase suivante du processus de découverte, les membres de l'équipe ZTF étudient les images soustraites et déclenchent des observations supplémentaires pour les candidats les plus prometteurs avec le télescope voisin de 1,5 m qui abrite le spectrographe de ZTF appelé SEDm. « Nous combinons les informations sur la luminosité fournies par la caméra de ZTF avec les données de SEDM pour identifier correctement l'origine et le type d'un événement transitoire, un processus que les astronomes appellent la classification des événements transitoires », explique Yu-Jing Qin, post-doctorant à Caltech. Pour ce faire, le groupe de l’IP2I (CNRS/Université Claude Bernard) dirigé par Mickaël Rigault a mis en place le premier pipeline entièrement automatique de réduction de données spectroscopiques issues de la SEDm « Nous obtenons ainsi un spectre analysable par les scientifiques moins de 5 minutes après la fin de l’observation », précise Mickaël Rigault.

Depuis 2012, les astronomes suivent les découvertes d'événements transitoires sur une plateforme publique appelée «Transient Name Server » (TNS). La communauté mondiale utilise cette plateforme pour annoncer les détections et les classifications d'événements transitoires. En partageant leurs découvertes, les astronomes créent un observatoire mondial virtuel où les événements transitoires non classifiés peuvent être classés par d'autres équipes d'astronomes disposant d'installations spectroscopiques. Grâce à cet effort commun, le TNS contient aujourd'hui environ 16 000 enregistrements de supernovæ classées et d'autres événements transitoires. « La SEDm est responsable de la classification de près de la moitié de l’ensemble des supernovæ découvertes dans le monde », fait remarquer Mickaël Rigault.

Il y a deux ans, Christopher Fremling s'est associé à des experts en apprentissage automatique à Caltech pour entraîner des ordinateurs à lire les données spectroscopiques du SEDm, à classer les supernovæ et à transmettre automatiquement les résultats au Transient Name Server quelques minutes après les observations. En 2023, le doctorant Nabeel Rehemtulla de la Northwestern University a étendu l'utilisation de l'apprentissage automatique à l'ensemble du cycle d'observation. Il a développé le système BTSbot, qui est actuellement utilisé dans ZTF pour découvrir, classer et signaler les supernovæ sans intervention humaine.

« Depuis que BTSbot a commencé à fonctionner, il a trouvé environ la moitié des supernovæ ZTF les plus brillantes avant un humain. Pour certains types de supernovæ, nous avons automatisé l'ensemble du processus et BTSbot a jusqu'à présent obtenu d'excellents résultats dans plus d'une centaine de cas. C'est l'avenir des études sur les supernovæ, surtout lorsque l'observatoire Vera Rubin entrera en service », ajoute Nabeel Rehemtulla. 

L'observatoire Vera Rubin est en cours de construction dans les montagnes chiliennes et, une fois achevé, il sera beaucoup plus sensible que ZTF, ce qui permettra de découvrir des millions de supernovæ. « Les outils d'apprentissage automatique et d'intelligence artificielle que nous avons développés pour ZTF deviendront essentiels lorsque l'observatoire Vera Rubin commencera à fonctionner », explique Daniel Perley, astronome à l'université John Moores de Liverpool, au Royaume-Uni, qui a mis au point les procédures de recherche et de découverte pour BTS et qui gère la base de données publique de l'étude. « Les résultats de nos travaux sur ZTF et les outils que nous y développons seront précieux pour l’étude des millions de supernovæ que Rubin découvrira », ajoute Mickaël Rigault. 

Grâce à un financement supplémentaire de 1,6 million de dollars de la Fondation nationale pour la science des Etats-Unis (NSF), ZTF continuera à scruter le ciel nocturne au cours des deux prochaines années. 

« En 2025 et 2026, ZTF et Vera Rubin pourront fonctionner en tandem, ce qui est une nouvelle fantastique », déclare Mansi Kasliwal, professeur d'astronomie à Caltech, qui dirigera ZTF au cours des deux prochaines années. En combinant les données des deux observatoires, les astronomes peuvent s'attaquer directement à la physique qui sous-tend l'explosion des supernovæ et découvrir des événements transitoires rapides et jeunes inaccessibles à ZTF ou à Rubin seuls. Je suis très enthousiaste pour l'avenir », termine Mansi Kasliwal.

Lire le communiqué de la collaboration ZTF (en anglais)

  • 1 Les éclairs lumineux restants proviennent d’autres phénomènes cosmiques extrêmes tels que les novæ, les noyaux actifs de galaxies ou les événements de rupture par effet de marée.

ZTF et les laboratoires CNRS Nucléaire & Particules

ZTF est une collaboration internationale basée à l’Institut de technologie de Californie (Caltech). CNRS Nucléaire & Particules participe à la collaboration à travers quatre laboratoires : le CPPM (Marseille), l’IP2I (Lyon), le LPCA (Clermont-Ferrand) et le LPNHE (Paris). L’institut contribue notamment à la direction du sondage et des analyses des variations astrophysiques des supernovæ, à la calibration de l’instrument et du sondage ainsi qu’à la simulation et l’analyse des effets de sélection.

Contact

Mickaël Rigault
Chercheur à l'IP2I Lyon et responsable du groupe ZTF Supernovae-Cosmology
Vincent Poireau
DAS Astroparticules et cosmologie