Christophe de La Taille : « Les thèses CIFRE constituent un véritable atout pour la compétitivité de nos laboratoires »

Valorisation

Série valorisation : épisode 8 - les thèses CIFRE 

Au cours de ses deux mandats de directeur du centre OMEGA, dédié à la microélectronique et aux circuits intégrés, Christophe de La Taille a dirigé deux thèses CIFRE. Ce dispositif de valorisation, à la portée de toutes les unités de l’Institut1 , voit une entreprise privée financer une thèse de doctorat dont le récipiendaire partage son temps entre laboratoire et entreprise. Christophe de La Taille décortique pour nous les modalités et les avantages du dispositif tels qu’ils ont été perçus à OMEGA.

  • 1Effectifs CIFRE décembre 2022 : 29 doctorantes et doctorants.

Qu’est-ce qu’une thèse CIFRE ?

« CIFRE » signifie « Conventions industrielles de formation par la recherche ». Il s’agit d’un dispositif par lequel une entreprise finance un étudiant en thèse dans un sujet d’intérêt commun avec un laboratoire. Cela concerne principalement des thèses dont le contenu est assez technique, les entreprises étant généralement intéressées par les technologies développées au cours des trois années du doctorat. Une fois la convention signée, le doctorant ou la doctorante partage son temps et son énergie entre l’entreprise et le laboratoire, dans des proportions variant considérablement d’une thèse à une autre. Certains étudiants vont se consacrer presque entièrement au travail en entreprise, tandis que d’autres se tournent exclusivement vers les projets du laboratoire, l’intérêt pour l’entreprise étant alors de tisser des liens avec le laboratoire, et souvent, d’embaucher le doctorant ou la doctorante au terme de la thèse. A noter également que l’entreprise bénéficie d’une subvention de l’Agence Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT) pour chaque thèse CIFRE.

A quels besoins répondent les thèses CIFRE au sein d’OMEGA ?

Comme tous les laboratoires IN2P3, OMEGA est friand de thèses de doctorats : il s’agit en effet de chercheurs se consacrant à 100% à un seul projet, une main d’œuvre très efficace. Cependant, du fait même de la nature des activités d’OMEGA, la microélectronique, nous peinons généralement à recruter des doctorants, plus d’ailleurs que dans d’autres laboratoires de l’IN2P3 dédiés à la physique fondamentale, où le flux de thésards est plus régulier. En effet, les diplômés d’écoles d’ingénieurs sont si demandés dans l’industrie que peu d’entre eux se tournent vers des doctorats, souvent jugés superflus dans une carrière industrielle en France. Ce que nous offre le dispositif CIFRE, c’est donc avant tout une réactivité salvatrice lorsqu’un étudiant ingénieur se montre intéressé par un projet de doctorat au sein d’OMEGA. Il suffit en effet de trouver une entreprise partenaire et d’élaborer une convention de thèse, là où le système de bourses de thèses « classique », avec ses lourdeurs et son calendrier, serait susceptible de faire fuir le candidat. Les thèses CIFRE constituent donc un véritable atout pour la compétitivité de nos laboratoires. Une fois la convention signée, l’intérêt pour le laboratoire réside évidemment dans le fait de bénéficier d’une main d’œuvre entièrement financée par des ressources extérieures à l’institut, tout en renforçant des liens souvent préexistants avec un partenaire industriel.

En pratique, comment se déroulent les thèses CIFRE à OMEGA ? 

Sur les cinq doctorants accueillis à OMEGA depuis la création de la plateforme en 2013, deux d’entre eux ont été des doctorants CIFRE. Les thèses, financées par l’entreprise Weeroc, une start-up issue d’OMEGA, ont démarré en 2020 et se sont terminées l’année dernière. L’un des deux doctorants, Sébastien Extier, a signé un CDD chez OMEGA au terme de sa thèse, il reste donc membre de notre petite équipe. Pendant trois ans, les doctorants ont travaillé respectivement sur des circuits intégrés d’ATLAS et CMS, soit une activité classique de doctorant. La seule particularité de cette aventure réside dans le fait qu’autour d’un quart du temps de travail des doctorants était consacré à la mise en application des technologies dans les projets de l’entreprise. Comme il est d’usage pour les thèses CIFRE, l’encadrement des doctorants était assuré par le laboratoire, et leur intégration s’est faite très naturellement. Malgré la division de leur temps de travail avec l’entreprise, ils faisaient entièrement partie de l’équipe. 

Avez-vous rencontré des difficultés particulières sur l’ensemble des parcours CIFRE ?

Pour les raisons évoquées précédemment, l’obstacle principal rencontré par OMEGA reste le manque de candidats dans un domaine où les thèses sont rares. Une fois les doctorants embauchés, cependant, les thèses se sont déroulées sans difficultés majeures. Il est toutefois à noter que ces réussites ont été sans aucun doute facilitées par les liens forts qui unissent OMEGA à l’entreprise partenaire, une start-up créée par d’anciens de notre plateforme. En effet, d’éventuelles mésententes peuvent tout à fait naître d’une communication insuffisante entre l’entreprise et le laboratoire. C’est ainsi qu’on entend des cas d’entreprises remettant en cause le partage du temps entre laboratoire et entreprise, estimant être lésées par l’arrangement initial. Généralement lié à une mauvaise communication, un autre cas de figure peut se présenter où le doctorant, occupé par des activités de nature non-scientifique au sein de l’entreprise, peine à rassembler le contenu scientifique nécessaire pour soutenir sa thèse. Pour désamorcer ces situations problématiques, il est bien sûr vital de s’accorder en toute transparence sur les modalités de la thèse lors de l’élaboration de la convention.

Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui, à travers l’institut, souhaiteraient embaucher un doctorant CIFRE ?

Tout d’abord, je voudrais rappeler que bien que la nature d’OMEGA diffère de celle des laboratoires de l’institut, ces derniers ont tout autant vocation qu’OMEGA à se tourner vers les thèses CIFRE, en particulier concernant les projets de nature technologique. Et en effet, un certain nombre de laboratoires y ont déjà recours. Avant de se lancer dans une aventure CIFRE, je recommanderais avant tout de choisir soigneusement l’entreprise partenaire, et de privilégier celles avec lesquelles le laboratoire a construit au préalable une relation de confiance. Selon moi, c’est la clef pour surmonter les difficultés mentionnées précédemment. Et bien sûr, s’assurer avant la signature que toutes les parties prenantes soient en accord sur les modalités de répartition du temps de travail. Une fois ces conditions réunies, il y a fort à parier que la thèse CIFRE satisfasse les attentes de tous les concernés : une thèse entièrement financée pour le doctorant, des ressources supplémentaires pour le laboratoire, et un transfert de technologie et de compétences pour l’entreprise.

Contact

Christophe de la Taille
Thomas Hortala
Chargé de communication