Entretien avec Michel Gonin, directeur d’ILANCE, un nouveau International Research Laboratory entre l’IN2P3 et l’Université de Tokyo

Collaboration

Le 1er avril, l’IRL ILANCE (pour International Laboratory for Astrophysics, Neutrino and Cosmology Experiments) nouveau laboratoire international de physique des deux infinis entre l’IN2P3 et l’Université de Tokyo a officiellement vu le jour sur le campus de Kashiwa à Tokyo. Michel Gonin, directeur de recherches au LLR, en assurera la direction avec son co-directeur Takaaki Kajita, prix Nobel de physique 2015. Avant de faire ses valises pour le Japon, Michel Gonin a répondu à nos questions.

Pourquoi avoir créé cet IRL ?

« Il s’agit du 1er IRL en physique des deux infinis au Japon. Cette création s’inscrit dans une volonté forte de l’IN2P3 de développer les collaborations avec le Japon.  Cela permettra aussi de renforcer les liens entre le CNRS et l’Université de Tokyo. ILANCE sera dans un premier temps composé de 5 personnels permanents (chercheurs et ingénieurs) du CNRS, de personnels japonais de l’université de Tokyo, de doctorants et post doctorants ainsi que de stagiaires. Il sera aussi présent pour accompagner les scientifiques français venus pour des courts et moyens séjours au Japon ».

Quelles seront les thématiques de recherche d’ILANCE?

« Le programme scientifique d’ILANCE sera absolument exceptionnel, allant des neutrinos, à l’univers primordial, en passant par la matière noire, les ondes gravitationnelles jusqu’à la physique des particules. Nous avons déjà défini des projets emblématiques pour chacune de ces disciplines.  Notre priorité est de travailler sur les projets en cours avec le Japon mais ILANCE contribuera aussi à en développer de nouveaux. Le laboratoire servira aussi, et c’est important, d’accélérateur et « d’incubateur » scientifique pour chercher des ressources additionnelles auprès de la France, de l’Union Européenne et du Japon ».

Comment va fonctionner votre collaboration avec Takaaki Kajita ?

« J’ai commencé à étudier les neutrinos dès 2006 avec les expériences T2K, puis Super-Kamiokande et plus récemment Hyper-Kamiokande. Pour ces trois expériences, j’ai eu l’opportunité de travailler avec Takaaki Kajita et ses collaborateurs en passant beaucoup de temps au Japon. Je n’ai aucun doute sur le succès de notre collaboration à la tête d’ILANCE. Il a d’ailleurs activement participé à la création de ce nouveau laboratoire en soutenant dès le début fortement le projet. Il apporte son expertise scientifique bien évidemment, mais aussi académique en tant que professeur à l’Université de Tokyo et enfin sa connaissance parfaite du système japonais ».

Logo du laboratoire international ILANCE
Logo de l'IRL ILANCE

Que peut-on attendre de cette collaboration ?

« Les habitudes ou démarches scientifiques diffèrent légèrement entre le Japon et la France. Pour simplifier, l’approche française place souvent la théorie et ses prédictions comme préalables alors que les japonais auraient tendance dans un projet à favoriser plus rapidement les retours d’expériences et les enseignements à en tirer.  Il existe aussi des différences de « sociologie » pour les groupes de travail entre les équipes françaises et japonaises. Nous avons l’habitude de travailler ensemble et la somme de ces différences est très positive et enrichissante. Nos deux pays ont aussi des spécificités parfois différentes dans leurs choix de projets scientifiques. Par exemple, le Japon est devenu un des spécialistes mondiaux des neutrinos avec Super-Kamiokande, l’une des rares expériences au monde (sans doute la seule) à avoir reçu deux prix Nobel. Plus généralement, notre programme scientifique couvre un large domaine, aussi bien dans l’infiniment petit que dans l’infiniment grand, avec de très grandes découvertes en perspective ».

Comment accueillez-vous l’idée de déménager au Japon ?

« Cela fait plus de 15 ans que je me rends régulièrement au Japon pour des séjours plus ou moins longs sur les sites des expériences auxquelles je participe. C’est un pays très différent du nôtre, très attachant. Je pars pour 5 ans et rêve d’avoir assez de temps pour enfin apprendre leur langue. Ce n’est pas la première fois que je m’expatrie. Au début de ma carrière, j’ai passé plus de 7 ans aux Etats-Unis pour mes recherches en physique nucléaire. Depuis j’ai changé de spécialisation, d’abord vers le plasma de quarks et de gluons et ensuite vers les neutrinos pour satisfaire ma curiosité scientifique en physique de l’infiniment petit.  Les neutrinos présentaient aussi l’avantage d’élargir aussi mon domaine de recherche à l’infiniment grand. Ce sont des particules élémentaires très singulières, voire fascinantes, aussi bien en termes de détection expérimentale qu’en physique théorique ».

Pour en savoir plus :

Contact

Michel Gonin
Chercheur au LLR et responsable France pour la collaboration Super-Kamiokande
Berrie Giebels
Directeur-adjoint de l'IN2P3