Hommage à Robert Klapisch

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C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Robert Klapisch, le 21 mars 2020. Ancien directeur du Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (CSNSM) puis directeur de la recherche au CERN, c’est un pionnier de la physique nucléaire et hadronique européenne qui disparaît à l’âge de 87 ans, et qui laisse la communauté de la physique nucléaire, des particules et des astroparticules en deuil.

À gauche, Robert Klapisch, photographié en 2014 au CERN, à l'occasion des 60 ans de l'Organisation et à droite le Synchrocyclotron, premier accélérateur du CERN. © Patrick DUMAS/CEA/CNRS Photothèque

Robert Klapisch fut un remarquable représentant de ces chercheurs nés peu avant la guerre et marqués par elle, mais ayant bénéficié du redémarrage permis par la renaissance du CNRS et facilité par les « Trente Glorieuses ». Une génération où se conjuguaient solidarités et ambitions, idéologies et sens aigu des rapports entre science et société. Sa famille, juive, a connu la traque et la déportation, mais lui a pu reprendre une scolarité brillante et intégrer l'École de Physique et Chimie de Paris. À peine sorti, il est recruté au CNRS en 1956.

À l'IPN-Orsay, il est formé à la séparation électromagnétique d’isotopes par René Bernas qui influera durablement sur son développement scientifique et personnel. Il le suit lorsque ce dernier crée un laboratoire centré sur l'utilisation des faisceaux d’ions dans différentes disciplines, dont la physique et l'astrophysique nucléaires, le Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (CSNSM) sur le campus de la faculté d’Orsay en 1962.

L'équipe Klapisch apporte alors une contribution majeure à la résolution de l'énigme de la faible abondance de lithium, béryllium et bore dans l'Univers. Puis des spectromètres de masse « en ligne » sur faisceaux d’accélérateurs permettront d'enchaîner les exploits scientifiques. Pionnière des expériences « ISOLDE » au CERN, l'équipe étudie des noyaux exotiques, inconnus et fugaces, à l'extrême limite de la stabilité, avec plus du double de neutrons que de protons. Elle observe même une transition optique du francium, élément sans isotope stable.

Entre 1981 et 1987, Robert Klapisch devient Directeur de la Recherche au CERN. C'est l'époque de la découverte des bosons W et Z et du prix Nobel de physique pour Carlo Rubbia et Simon van der Meer (1984). Robert Klapisch encourage alors deux recherches hors des traditions du CERN : l’antimatière avec l’anneau d’antiprotons LEAR, et les ions lourds relativistes, explorant le plasma de quarks et de gluons. Entre 1988 et 1993, il renouvelle la communication du CERN et initie la publication « Images de la physique » au CNRS. De 1994 à 2000, il participe au groupe ADS de Carlo Rubbia (réacteur nucléaire sous-critique).

Robert Klapisch a toujours lié science et responsabilité sociale. Membre de “Pugwash” pour éviter la guerre nucléaire, de la commission préparant la Charte de l’environnement et de l'Association française pour l'avancement des sciences (AFAS), il initie en 2002 les conférences « Partager le Savoir » pour favoriser le dialogue entre scientifiques autour de la Méditerranée, y compris Israéliens et Palestiniens, sur des sujets vitaux : fracture numérique, besoins de base (eau, énergie, nourriture), formation et recherche. Il crée en 2006, avec le soutien d’institutions et d'industriels européens, la Fondation « Partager le savoir » qui poursuit ces échanges fructueux entre les scientifiques d’Afrique du Nord, d’Afrique subsaharienne, et leurs collègues européens. Il s'y est consacré jusqu’à sa disparition avec le même enthousiasme amical, la fraternité et l'énergie têtue qu'il déployait pour aboutir à des résultats concrets. Le souvenir d’un remarquable chercheur et d’un humaniste, resteront à jamais dans nos mémoires.

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Catherine Thibault
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Directeur de l'IN2P3