Interview de Navin Alahari, coordinateur scientifique du projet EURO-LABS
Le 19 janvier dernier, le programme EURO-LABS a été accepté par la Commission européenne, ouvrant la voie au financement conjoint de 43 infrastructures de recherche et laboratoires en physique nucléaire et physique des hautes énergies pour encourager les recherches transnationales, faire progresser ces infrastructures et former les nouvelles générations à l'usage, au développement et à la conduite des installations. Navin Alahari, coordinateur scientifique du programme, nous présente le projet et commente en particulier l’importance qu’il revêt pour la recherche en physique nucléaire.
Quel est le but du projet EURO-LABS ?
Le programme EURO-LABS signifie "European-Laboratories For Accelerator Based Science" et il entre dans le cadre du volet "Research Infrastructure" du programme de financement de la recherche européen, Horizon Europe. Ce volet vise en particulier à soutenir la coopération scientifique et accroître les synergies au sein de l'Union européenne dans un but d'excellence. Dans le cas d'EURO-LABS il s’agit de créer un réseau de laboratoires de premier plan en Europe, où les utilisateurs peuvent mener des recherches de pointe et des développements technologiques en physique nucléaire et en physique des hautes énergies, ainsi que dans les domaines associés. Le programme a aussi pour ambition de former la prochaine génération de physiciens et de personnel technique afin de tirer le meilleur parti des infrastructures de recherche. Enfin EURO-LABS a pour objectif de promouvoir une science ouverte, diversifiée et inclusive. Nous disposons, pour agir, d’une enveloppe de 14,5 millions d’euros partagée entre le financement des trajets et des séjours, et le financement de l'adaptations des installations ou le développement de nouveaux outils.
Quelles disciplines sont concernées par ce programme ?
Il y a trois volets dans EURO-LABS. Le premier concerne la physique nucléaire, le second les détecteurs et le troisième les accélérateurs pour la physique des hautes énergies. Le volet physique nucléaire est le plus important et surtout il a un caractère stratégique pour la communauté. EURO-LABS, concernant la physique nucléaire, prend en effet le relais des programmes européens ENSAR et ENSAR2, qui ont soutenu la recherche européenne en physique nucléaire en finançant les accueils et les expériences sur les plateformes européennes. ENSAR2 s'est arrêté en août 2021 et sans la signature d'EURO-LABS, le manque de financement aurait eu un impact important sur les chercheurs utilisant d'autres infrastructures de recherche de pointe (que les leurs), ce qui aurait eu une incidence sur l'exploitation optimale de la variété des installations de l'Europe et sur sa compétitivité.
Quelles installations sont impliquées ?
Il y a 43 infrastructures de recherche réparties dans 12 pays. On trouve parmi elles les deux principales infrastructures françaises, GANIL et ALTO, mais aussi le CERN, GSI-FAIR, LNL-LNS, etc. Dans ces 43 infrastructures, il y a 34 laboratoires partenaires qui bénéficient des financements et des laboratoires associés hors de l'Union européenne, comme PSI en Suisse, JINR en Russie ou RIKEN au Japon et FRIB aux Etats-Unis, qui ne perçoivent pas d'argent directement, mais peuvent profiter de l'accueil financé des infrastructures européennes. Ensuite, chaque laboratoire ou plateforme participe aux volets dit "Service improvement". Il s'agira notamment de renforcer la synergie entre la théorie et les expériences en physique nucléaire grâce à une infrastructure virtuelle et qui profitera à tous. l'IPHC, le LPC Caen ou encore l'Irfu sont aussi impliqués dans les différents aspects du projet.
Concrètement comment cela fonctionne-t-il ?
Pour bénéficier des financements EURO-LABS, il faut qu'un scientifique fasse ses expériences sur la plateforme d'un autre pays de l'Union européenne que le sien. Par exemple, un scientifique français, qui viendrait au GANIL, ne serait pas éligible. En revanche, s'il fait ses expériences à GSI en Allemagne ou à ISOLDE au CERN, l'intégralité des frais de voyage, d'accueil et d'expérience sont pris en charge par le programme. Un portail unique va être mis en place sur le web afin que les scientifiques disposent des informations nécessaires pour choisir l'établissement le plus approprié pour mener leurs recherches et les informations qui s'y rapportent. Ce site web d'EURO-LABS que nous sommes en train de mettre sur pied sera ouvert en septembre prochain.
Propos recueillis par Emmanuel Jullien