Josquin Errard face aux trois grandes questions de l’Univers
Josquin Errard est astrophysicien au laboratoire Astroparticules et Cosmologie. Il s’intéresse au fond diffus cosmologique, relique des premiers instants de l’Univers, à travers de grandes expériences comme le Simons Observatory ou LiteBIRD. Il a à cœur d’enseigner l’histoire de l’Univers à de larges publics et s’intéresse aux liens entre arts et sciences notamment à travers l’écriture d’un livre pour enfants.
« J’ai toujours rêvé être astrophysicien et j’ai tout fait pour m’en rapprocher. » A n’en pas douter, si Josquin Errard est aujourd’hui chargé de recherche en cosmologie observationnelle au laboratoire Astroparticules et Cosmologie à Paris ça ne relève en rien du hasard, même s’il assure avoir « fait des rencontres décisives et avoir eu de la chance ». Enfant, il écrivait « astrofysicien » sur de fausses cartes d’identité. Aujourd’hui, c’est la carte d’identité de l’Univers qu’il étudie, et sans faute d’orthographe ! En passant par le modèle cosmologique du Big Bang, il retrace l’évolution de l’Univers, de ses premiers instants à l’émission du premier rayonnement électromagnétique, appelé « rayonnement fossile ». Celui-ci permet de déterminer le contenu de notre Univers « tardif ».
Le côté obscur du cosmos
Ce qui l’intéresse tout particulièrement ? L’inflation cosmique, ce phénomène qui a permis à l’Univers de s’étendre très rapidement juste après le Big Bang. Il étudie aussi, dans une moindre mesure, le secteur sombre : matière noire et énergie noire. Ces thématiques sont au cœur des « trois grandes questions de la cosmologie observationnelle et théorique à ce jour » explique le chercheur. D’ailleurs, les questions se recoupent, les expériences se croisent. Il n’est pas rare pour les scientifiques étudiant les premiers instants de l’Univers de glisser vers l’Univers plus tardif. Josquin se consacre en ce moment à l’astrophysique galactique du milieu interstellaire : l’étude de la Voie lactée. « Ces recherches sont cruciales pour la réussite des expériences développées pour étudier le fond diffus cosmologique. » Les scientifiques doivent caractériser les émissions provenant de la Voie lactée pour les soustraire des images obtenues. « Ça peut paraître très éloigné de la cosmologie primordiale mais c’en est l’une des clés principales. » Pour cela, Josquin s’attelle à l’analyse de données de plusieurs expériences : Polarbear, et bientôt Simons Observatory et LiteBIRD.
Des pulsars dans les yeux
« Travailler au sein de l’IN2P3 s’est fait très naturellement. Cela correspondait vraiment à mon cadre de travail rêvé : des sciences qui font le lien entre le spatial et le sol, des thématiques à la croisée de l’astrophysique, de la cosmologie et des particules. » Cependant, même s’il se plait à l’IN2P3, l’une des plus belles expériences à laquelle a participé Josquin Errard s’est déroulée de l’autre côté de l’Atlantique, dans l’ouest californien, à côté de la Vallée de la mort, alors qu’il était en mission à Berkeley. « Nous étions sur le site où Jodie Foster a tourné le film Contact. » A la manière de l’actrice guettant un signal extraterrestre, Josquin et ses collègues cherchaient à capter une première lumière via un télescope fraîchement installé. Dans cette « ambiance moite de désert, avec de nombreux scorpions » un signal se dessine sur l’écran. Un pic qui signifie « pulsar ». « Toute l’équipe a sauté de joie. Je faisais partie de ce moment. C’était un peu comme mon rêve d’enfant qui se réalisait ». C’est pour lui un souvenir emblématique de ce qu’est la recherche en cosmologie une fois sur le terrain.
Le terrain, ça lui manque. En analyse de données, il reste principalement derrière son écran d’ordinateur. Mais il a pu s’engager dans un projet avec l’Université de Paris, qui devrait lui permettre de renouer avec l’extérieur : la construction d’un drone. Le but ? Le faire voler au-dessus de Simons Observatory au Chili pour calibrer le télescope. A son bord, une source artificielle de micro-ondes polarisées. « C’est l’occasion pour moi d’enfin retourner au laboratoire, de pouvoir manipuler et d’acquérir de nouvelles compétences. Et ce, tout en faisant quelque chose d’à la fois insolite et de percutant pour l’analyse des données. »
Pour se sortir la tête des données, Josquin donne aussi des conférences. De « Histoire du cosmos » à destination des étudiants, à « Teaching the Universe » pour les enseignants du secondaire, en passant par des interventions en écoles maternelles, il explique la science à des publics très variés. « En recherche, il faut se concentrer sur un sujet en particulier. Et on a vite fait d’oublier le cadre scientifique général. Les conférences et les temps d’échange avec le public me permettent de le retrouver. » Dans les mois à venir, il souhaite diffuser « Histoire du cosmos » au plus grand nombre en réalisant des visioconférences. « Je pense qu’en tant que chercheur, on se doit de le faire, nous avons une mission d’intérêt public, c’est important qu’il y ait un retour direct vers le grand public. Il faut le garder à l’esprit ».
Le ciel n’est pas noir
Pour Josquin, il existe de nombreuses similitudes entre les projets d’art et de science. « C’est une idée qui vient, qu’il faut essayer. Il s’agit d’un processus de création similaire dans son essence, qu’il s’agisse de la réalisation d’un outil numérique, d’une toile, d’une sculpture. Il y a beaucoup de ponts à faire entre l’art et ce que l’on fait ». Il ne voit pas seulement l’art comme une construction similaire à la recherche mais aussi comme un outil indispensable : un support visuel pour des objets très abstraits, qui foisonnent particulièrement en astroparticule. Comment se représenter un photon, une onde gravitationnelle ? « Comme tous les êtres humains, les chercheurs ont besoin de l’art visuel ».
C’est d’ailleurs ce qu’il veut apporter avec son projet de livre pour enfants : Le ciel n’est pas noir, illustré par Eve Barlier. Destiné aux 7-9 ans, le but de ce livre est de vulgariser les connaissances sur l’histoire de l’Univers en amenant un support visuel fort. « Les enfants sont une bonne porte d’accès à la médiation scientifique car, pour le livre, il y a une double lecture avec leurs parents. » Faute de temps et d’argent, le livre a dû rester au statut de projet. Mais Josquin persévère : il l’a proposé dans un dossier de bourse de recherche européenne. S’il est accepté, Le ciel n’est pas noir devrait certainement voir le jour…
-- Agathe Delepaut
Dix portraits de femmes et d’hommes de l'IN2P3
À l’occasion de ses 50 ans, l’institut met en avant 10 portraits de femmes et d’hommes, illustrant la variété des métiers et des expertises rassemblés en son sein. Nous vous invitons à venir découvrir leur histoire et leur aventure à l’IN2P3, et à partager la passion qui les anime.
- Josquin Errard face aux trois grandes questions de l’Univers
- Reina Camacho Toro : partager la science au-delà des frontières
- Jean-Claude Foy, un destin au Ganil
- Francesca Gulminelli, loin du modèle standard
- Angeles Faus-Golfe, l’ingénieure des interactions fortes
- Jean Schihin, pilier porteur de l’IPHC
- Hervé Carduner : « mécano » mention détecteurs de particules
- Fabien Wernli, vigilant gardien des mémoires
- Sara Marcatili, trait d’union entre les particules et la vie
- Ursula Bassler, une diplomate sans particule