Vue du télescope utilisé par ZTF et des supernovae du relevé
Ce nouvel échantillon de supernovae va permettre de faire un saut dans la compréhension des supernovea de type Ia, qui sont une des bases sur lesquelles s'appuie la cosmologie. Image : ZTF

La collaboration ZTF publie un relevé très attendu de 3628 supernovae de type Ia

Faits marquants

  • Les supernovæ de type Ia sont des explosions cosmiques utilisées pour mesurer les distances à travers l’Univers.
  • En 2,5 années, ZTF a doublé le nombre de supernovæ de type Ia disponibles pour la cosmologie et acquis au cours des 30 dernières années (près de 3 000).
  • La collaboration publie aujourd’hui cet ensemble de données dans un numéro spécial d’Astronomy & Astrophysics contenant 21 publications.
  • Cette publication marque le début d’une nouvelle ère de haute précision en cosmologie des supernovæ, et l’équipe de ZTF a découvert un nouvel effet susceptible de modifier la manière dont les cosmologistes mesurent l’histoire de l’expansion de l’Univers.

Les supernovæ Ia sont produites par l'explosion spectaculaire d'étoiles en fin de vie de la catégorie des naines blanches. Environ deux semaines après l’explosion, chaque événement atteint une luminosité équivalente à celle de 10 milliards d’étoiles semblables au Soleil, avec une remarquable régularité d’un événement à l’autre. Ces objets sont appelés « chandelles standards ». Les cosmologistes les utilisent pour mesurer les distances à travers l’Univers en comparant leur flux lumineux, les objets plus éloignés apparaissant plus faibles. L’accélération de l’expansion de l’Univers, récompensée par le prix Nobel en 2011, a été découverte à la fin des années 1990 à l’aide d’environ 100 de ces supernovæ. Depuis, les cosmologistes tentent d’expliquer cette accélération, attribuée à mystérieuse énergie noire, qui agit comme une force anti-gravitationnelle à l’échelle cosmique. Actuellement, les catalogues de supernovæ de type Ia les plus complets regroupent environ 2 000 objets observés par divers télescopes au cours des deux dernières décennies. Leur analyse récente suggère que l’énergie noire pourrait être plus complexe qu’une simple constante mathématique dans l’équation d’Einstein, comme supposé initialement. Mais qu’en est-il exactement ? La réponse reste malheureusement hors de portée car notre compréhension des mécanismes physiques à l’origine des supernovæ de type Ia reste limitée et constitue un frein à l’amélioration de nos mesures de distances et, par conséquent, à notre compréhension des lois fondamentales de l’Univers.

illustration du projet ZTF
ZTF utilise une caméra équipée d'un large capteur CCD de 45° carré montée sur le télescope Samuel Oschin à l'observatoire du Mont Palomar en Californie. Le fond de l'image montre les supernovae de type Ia détectées lors du survey et les vignettes montrent la séquence d'une supernovæ suivie durant 2 mois. Crédit : collaboration ZTF

Aujourd’hui, la collaboration Zwicky Transient Facility (ZTF) publie des données relatives à un ensemble de 3 628 supernovæ de type Ia observées entre mars 2018 et décembre 2020 avec un seul instrument, apportant de nouvelles informations sur la nature de ces phénomènes et leur utilisation comme chandelles cosmologiques.

« Depuis cinq ans, une équipe de trente experts à travers le monde a collecté, assemblé et analysé ces données. Nous les mettons désormais à la disposition de toute la communauté scientifique. Cet échantillon, unique en termes de taille et d’homogénéité, devrait avoir un impact majeur sur la cosmologie des supernovæ et mener à de nombreuses nouvelles découvertes, en plus des résultats que nous avons déjà publiés », explique Dr. Mickael Rigault, chercheur à l’Institut des deux Infinis de Lyon (CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1) et responsable du groupe cosmologie de ZTF.

Comprendre l’énergie noire et la physique des supernovæ

Depuis des décennies, les supernovæ de type Ia jouent un rôle clé dans l’étude de l’énergie noire, cette force mystérieuse donnée comme responsable de l’accélération de l’expansion de l’Univers. Pour ce faire, les cosmologistes comparent deux quantités : le décalage vers le rouge (redshift), qui mesure l’étirement des longueurs d’onde des photons dû à l’expansion de l’Univers, et le flux lumineux des supernovæ, qui indique la distance de la source lumineuse. Comme la vitesse de la lumière est une constante, nous pouvons ainsi en dériver le temps qu’il lui a fallu pour nous parvenir. En combinant ces deux mesures, il est possible d’étudier l’histoire de l’expansion de l’Univers et d’explorer les lois fondamentales qui la régissent.

Cependant, la nature exacte des supernovæ de type Ia reste encore mal comprise. L’étude de leurs spectres et de l’évolution de leur luminosité dans le temps indique qu’elles résultent de l’explosion thermonucléaire d’une naine blanche composée de carbone et d’oxygène, probablement au sein d’un système binaire. Mais pourquoi cette naine blanche explose-t-elle ? Comment la composition de son étoile compagne influence-t-elle ce phénomène ? Pourrait-il exister plusieurs mécanismes menant à des explosions similaires ?

« Grâce à cet ensemble de données homogène et de grande ampleur, nous pouvons explorer les supernovæ de type Ia avec un niveau de précision sans précédent», précise Mickael Rigault. « C’est une étape cruciale pour affiner leur utilisation en cosmologie et déterminer si les écarts actuels dans nos modèles sont dus à une nouvelle physique fondamentale ou à une méconnaissance des méthodes de mesure des distances. »

Affiner les mesures de distances des supernovæ

Pour répondre à ces questions scientifiques essentielles, l’équipe ZTF s’est concentrée sur trois axes.

Les scientifiques ont d'abord étudié la diversité des événements de supernovæ de type Ia et mis en évidence des sous-populations et des objets extrêmes. Cette analyse a permis de mieux définir quelles supernovæ devraient être utilisées en cosmologie, en privilégiant celles qui se ressemblent le plus et en écartant les autres

Ensuite, ils ont exploré la manière dont les supernovæ de type Ia varient en fonction de leur environnement, qu'il s'agisse d'étoiles jeunes ou âgées, de régions riches en poussière interstellaire ou totalement dépourvues de gaz. Cette approche permet de mieux comprendre l'origine des variations observées : sont-elles liées aux matériaux du système progéniteur, à la vitesse d'évolution depuis la formation de l'étoile progénitrice jusqu'à l'explosion en supernova, ou sont-elles plutôt influencées par des éléments présents sur la ligne de visée, tels que la poussière interstellaire de la galaxie hôte ? L'objectif de cet axe de recherche est de corriger au mieux ces variations observées afin d'obtenir des mesures précises de distances, sans nécessiter une connaissance approfondie de la nature exacte des supernovæ.

Enfin, les chercheurs se sont concentrés sur l'analyse des premières et dernières phases des courbes de lumière ainsi que sur les spectres obtenus grâce à ZTF, permettant d'explorer directement la physique des systèmes progéniteurs. « Grâce à la capacité unique de ZTF à scanner rapidement et en profondeur le ciel, nous avons capturé plusieurs supernovæ quelques jours, voire quelques heures seulement après leur explosion, fournissant ainsi de nouvelles contraintes sur la manière dont elles terminent leur vie », souligne la professeure Kate Maguire du Trinity College Dublin, co-autrice de l'étude. 

Le professeur Ariel Goobar, directeur du Centre Oskar Klein à Stockholm (l'une des institutions fondatrices de ZTF) et membre de l'équipe qui a découvert l'expansion accélérée de l'Univers en 1998, ajoute que « l'objectif ultime est de répondre à l'une des plus grandes questions contemporaines en physique fondamentale et en cosmologie : de quoi est composée la majeure partie de l'Univers ? Pour cela, nous avons besoin des données sur les supernovæ fournies par ZTF ».

L’ensemble du groupe de recherche en cosmologie du ZTF publie ainsi 21 articles analysant ces 3628 supernovæ de type Ia dans un numéro spécial de la revue Astronomy & Astrophysics. L'une des conclusions majeures de ces études est que les supernovæ de type Ia varient intrinsèquement en fonction de leur environnement, bien plus que ce qui était supposé jusqu'à présent, ce qui implique que le mécanisme de correction utilisé doit être réévalué. Cette découverte pourrait modifier la manière dont nous mesurons l’histoire de l’expansion de l’Univers. Elle pourrait notamment avoir des implications importantes sur les écarts actuellement observés par rapport au modèle standard de la cosmologie et qui font l'objet d’investigations approfondies.

Un instrument unique pour un ensemble de données révolutionnaire

La camera ZTF, installée sur le télescope Schmidt de 48 pouces à l’Observatoire Palomar, scrute chaque nuit l’ensemble du ciel boréal en trois bandes optiques. Grâce à son champ de vision de 47 degrés carrés et un temps d’exposition rapide de 30 secondes, il atteint à chaque pause une magnitude limite de 20,5, soit un million de fois plus faible que les étoiles visibles à l’œil nu. Cela permet à ZTF de détecter presque toutes les supernovæ situées dans un rayon de 1,5 milliard d’années-lumière autour de la Terre. 

C’est la première fois que les astrophysiciens ont accès à un ensemble de données aussi vaste et homogène. Bien que les supernovæ de type Ia soient des phénomènes rares qui ne surviennent environ qu'une fois par millénaire dans une galaxie typique, la profondeur et la stratégie d’observation de ZTF permettent d’en détecter près de quatre par nuit.

Jusqu’à présent, les échantillons de supernovæ couvrant cette gamme de distances comptaient moins de 200 événements. L’ensemble de données ZTF SN Ia DR2 augmente ce nombre d’un ordre de grandeur, permettant des analyses bien plus précises, l’étude d’événements rares, ainsi que la comparaison des similitudes et des différences entre de nombreux sous-groupes. Cette avancée majeure permet aux chercheurs d’aborder des questions fondamentales qui étaient jusqu’alors limitées par la taille restreinte des échantillons. « Cette publication fournit un ensemble de données révolutionnaire pour la cosmologie des supernovæ », déclare le Dr Mathew Smith, co-responsable de la publication de ZTF SN Ia DR2 et aujourd’hui maître de conférences en astrophysique à l’Université de Lancaster. « Elle ouvre la voie à de nouvelles découvertes, tant sur l’expansion de l’Univers que sur la physique fondamentale des supernovæ. »

« Nous mettons à la disposition de la communauté des milliers de courbes de lumière de supernovæ de type Ia, échantillonnées avec précision et calibrées avec soin, ainsi que des spectres, des propriétés des galaxies hôtes et des journaux d’observation. Ces ressources permettront aux chercheurs d’affiner les modèles et de développer de nouvelles techniques pour améliorer la précision et l’exactitude des distances dérivées des observations de supernovæ de type Ia », résume le Dr J. Nordin, responsable du groupe de cosmologie ZTF de Berlin.

« L’uniformité de cet ensemble de données établit un nouveau standard pour l’observation des supernovæ proches, surpassant tous ceux collectés au cours des dernières décennies. Il servira de référence pour les futures études de supernovæ à grand décalage vers le rouge, notamment celles des projets de nouvelle génération comme le Legacy Survey of Space and Time (LSST) et le Roman Space Telescope, nous rapprochant ainsi de la compréhension de la véritable nature de l’énergie noire qui est à l’origine de l’accélération de l’expansion de l’Univers », conclut le Dr Lluís Galbany, chercheur à l’Institut des Sciences de l’Espace (ICE-CSIC) de Barcelone.

Pour plus d’informations et pour accéder aux données, consultez le site du ZTF SN Ia DR2

Les institutions impliquées dans l'étude sont : Caltech (Californie, États-Unis d'Amérique), CNRS (France), Humboldt Universiteat (Berlin, Allemagne), Institut d'Estudis Espacials de Catalunya (Barcelone, Espagne), Lancaster University (Lancaster, Royaume-Uni), Oskar Klein Center (Stockohlm, Suède), Trinity college (Dublin, Irlande).

ZTF et les laboratoires CNRS Nucléaire & Particules

ZTF est une collaboration internationale basée à l’Institut de technologie de Californie (Caltech). CNRS Nucléaire & Particules participe à la collaboration à travers quatre laboratoires : le CPPM (Marseille), l’IP2I (Lyon), le LPCA (Clermont-Ferrand) et le LPNHE (Paris). L’institut contribue notamment à la direction du sondage et des analyses des variations astrophysiques des supernovæ, à la calibration de l’instrument et du sondage ainsi qu’à la simulation et l’analyse des effets de sélection.

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Contact

Mickaël Rigault
Chercheur à l'IP2I Lyon et responsable du groupe ZTF Supernovae-Cosmology
Nicolas Leroy
Thomas Hortala
Chargé de communication