Le cryostat Ricochet prend ses quartiers à l’ILL
Après un an de caractérisation et d’instrumentation, le cryostat de l’expérience de recherche de nouvelle physique Ricochet, a pris ses quartiers début décembre 2023 à l’Institut Laue-Langevin (ILL) de Grenoble. Il est installé à 8,8 mètres du cœur du réacteur nucléaire de recherche, d’une puissance de 58,3 MWth, dans une salle spécialement préparée pour l’expérience et équipée d’un blindage de 20 tonnes. Deux mois après l’installation, les premiers signaux chaleur et ionisation ont été observés avec des bolomètres en germanium de 42 g. Une première étape qui ouvre la porte à l’étude précise du bruit de fond de l’environnement et des performances des détecteurs.
Jusqu'à tout récemment, l'étude des interactions des neutrinos avec la matière était fortement contrainte par la nécessité de disposer de détecteurs très massifs (de l'ordre de la tonne ou au-delà). Il était particulièrement difficile d'étendre ces études précises aux collisions de neutrinos de basse énergie (inférieure à 10 MeV) sur des noyaux, régime pourtant propice à être sensible aux effets prédits par plusieurs extensions proposées du modèle standard de la physique des particules.
Une nouvelle approche de l’interaction neutrino/matière
En 2017, l'expérience COHERENT a ouvert la voie à une nouvelle approche ne requérant que des détecteurs de masse autour du kg en exploitant l'effet CENNS (Coherent Elastic Neutrino-Nucleon Scattering) : à basse énergie, la probabilité d'interaction d'un neutrino avec un noyau est multipliée par le carré de son nombre de neutrons. Après cette étude pionnière, menée avec des neutrinos de 50 MeV produits au Laboratoire National d’Oak Ridge, Ricochet fait partie d’une nouvelle génération d'expériences bien plus sensibles actuellement en préparation, avec comme objectif la détection des neutrinos de moins de 10 MeV issus de réacteurs nucléaires, pour lesquels l'effet de cohérence – et la sensibilité à la nouvelle physique - devrait être maximal.
La collaboration Ricochet regroupe des laboratoires français, russe et nord-américains. Les laboratoires français développent des détecteurs cryogéniques en germanium à double mesure chaleur et ionisation inspirés des détecteurs de recherche de matière noire de l’expérience EDELWEISS. Les collaborateurs américains et canadiens développent quant à eux des détecteurs cryogéniques en zinc et aluminium supraconducteurs.
Premiers retours scientifiques attendus en fin d’année
Après avoir atteint 8,7 mK le 6 février 2024, lors de la première mise en froid du cryostat, Ricochet est entré courant février en phase de « commissioning » et finalisation de son installation, avec un premier miniCryoCube (assemblage de trois détecteurs cryogéniques en germanium) opérationnel. Les prochains mois seront dédiés à l’ajustement des performances cryogéniques et électroniques ainsi qu’à l’optimisation des blindages externe et interne, pour les deux phases réacteur ON et réacteur OFF de l’année 2024.
Les premiers retours scientifiques sont attendus d’ici la fin de l’année, et courant 2025 l’expérience devrait accueillir un total de 750 g de détecteurs en germanium et 300 g de détecteurs en zinc et aluminium, pour cumuler une prise de données sur au moins 7 cycles de réacteur ON/OFF.
Les laboratoires impliqués dans l'expérience Ricochet
France : C2N, ILL, Institut Néel, IJCLab, IP2I, LPSC
USA : University of Massachusetts at Amherst, Massachusetts Institute of Technology, Northwestern University
Russie : JINR
Canada : University of Toronto