L'expérience Stella met en lumière le phénomène de "suppression" de la fusion
L'expérience Stella a mis à profit sa seconde campagne pour étudier le phénomène de "suppression" dans les réactions de fusion des étoiles impliquant des noyaux légers. Ce phénomène, récemment découvert pour les systèmes plus lourds pourrait avoir des implications très importantes pour la compréhension du cycle de vie des étoiles massives.
Mais quel est cet étrange effet qui vient jouer les trouble-fête dans les réactions de fusion ? Ce nouveau phénomène, baptisé "suppression de la fusion" et découvert dans les années 2000, excite la curiosité des physiciens car son explication pourrait avoir de répercussions dans les modèles d'évolution stellaire. L'expérience Stella qui vient de clore sa deuxième campagne d'exploration, et qui vise à étudier les réactions de fusion stellaires en les reproduisant en laboratoire, a exploré une gamme d'énergies où les effets de cette suppression sont plus nets et l'analyse de la nouvelle moisson de données de l'expérience promet de jeter un jour nouveau sur ce phénomène.
Double identification de l'événement
C’est un fait, l'expérience Stella est particulièrement adaptée pour explorer ce phénomène. Elle se base pour l'étude des réactions de fusion de basse énergie, sur la mesure en coïncidence de particules chargées et de photons gamma. Entendez par là une double identification de l’événement. En effet, aux énergies en jeu, le bruit de fond auquel font face les détecteurs est rédhibitoire. D'autant que les événements provenant des réactions de fusion observées se déroulent par effet tunnel et sont donc très rares. Cette mesure par coïncidence permet donc de discriminer précisément les événements de fusion, ce qui est nouveau en astrophysique nucléaire pour des mesures de très faibles sections efficaces.
"Nous avons associé deux sortes de détecteurs" explique Sandrine Courtin, professeure à l'université de Strasbourg, chercheuse à l'IPHC et responsable de l'expérience. " Des détecteurs de particules chargées développés spécifiquement pour l’expérience Stella (détecteurs au silicium à pistes sur supports en céramique) qui enregistrent les émissions de protons et de noyaux, et des détecteurs de rayonnement gamma. Il s’agit là de 36 scintillateurs de nouvelles génération, faisant partie du système Fatima et apporté par les collaborateurs de l'université de Surrey (GB). » De cette façon, lorsqu'un noyau de carbone 12 fusionne avec un autre, les scientifiques en ont une double confirmation : par la détection des particules émises lors de la fusion (proton ou alpha) et par l'enregistrement du rayonnement gamma émis lors du réarrangement des nucléons dans le nouveau noyau.
Une cible rotative pour évacuer la chaleur
Autre avantage de Stella, le recours à la plateforme Andromède de l'Institut de physique nucléaire d'Orsay (IPNO). Andromède fournit un faisceau de Carbone 12 à basse énergie d’une dizaine de micro Ampères, ce qui est particulièrement intense. Si intense d’ailleurs qu’il a fallu inventer pour l’expérience un système de cible rotative qui facilite l’évacuation de la chaleur. Sans ce faisceau, la probabilité de voir des réactions de fusion aurait été très faible.
Stella a pour but de mieux comprendre le cycle de vie des étoiles massives, essentiel pour extraire des informations sur l’évolution stellaire, la nucléosynthèse des éléments chimiques et peut-être sur l’âge de notre Univers. Pour cela, elle vise à mesurer les réactions nucléaires clés de ce cycle, en particulier celles où peuvent intervenir des résonances moléculaires.
La construction de la station de mesure Stella a bénéficié du financement des initiatives d’excellence (IdEx) de l’Université de Strasbourg, de l’USIAS et du CNRS. Les développements techniques du projet et sa construction ont été réalisés à l’IPHC Strasbourg (Mécanique, SMA, Microtechnique), en partenariat avec l’Université de York (GB), l’Université de Surrey (GB) et le GANIL.
La collaboration Stella :
- IPHC, Strasbourg : S. Courtin (contact), D. Curien, C. Beck, M. Heine, M. Moukaddam, E. Monpribat, J. Nippert, M. Richer et al.
- Université de York (GB) : D. Jenkins, L. Morris, G. Vega et al.
- Université de Surrey (GB) : P. Regan, Z. Podolyak, M. Rudigier et al.
- GANIL : C. Stodel et al.
- IPNO : S. Della Negra, F. Hammache, J. Lesrel, N. de Séréville, P. Adsley et al.