LHCb va étudier le plasma quark-gluon à l’aide d’une cible fixe gazeuse

Physique des particules

Une cible fixe gazeuse, baptisée SMOG2, équipe le détecteur LHCb au CERN depuis le mois d’août. Ce dispositif permettra aux particules du faisceau du LHC d'interagir avec le gaz injecté. Il fournira ainsi des données inédites sur le plasma de quarks et gluons et l'interaction forte. L’équipe LHCb du laboratoire Leprince-Ringuet (LLR) de Palaiseau, précurseur de ce programme de physique, sera à l’avant-garde de ces études.

C’est inédit. Le détecteur LHCb devient la première expérience du LHC capable d’enregistrer simultanément des collisions faisceau-faisceau et des collisions faisceau-cible fixe. Et ce grâce à un nouvel injecteur de gaz, installé début août en amont du détecteur VELO (localisateur de vertex) de LHCb : SMOG2. Le système injectera des gaz inertes dans une cellule de stockage installée dans le tube du LHC, sans pour autant perturber l’ultravide des autres zones du collisionneur. Les pompes à vide situées à proximité évacueront le gaz qui s’échappera de la cellule, avant qu’il n’ait eu le temps de s’étendre. 

Ce n’est pas en fait la première fois qu’un injecteur de gaz est utilisé au LHC. Son prédécesseur, SMOG, a été testé pendant une centaine d’heures dédiées, en 2015 et 2016. Le LLR avait déjà été impliqué dans ces campagnes de prise de données et a pu produire des mesures inédites confirmant l’intérêt scientifique des collisions proton-gaz. C’est aussi à partir de ce prototype que la version optimisée a vu le jour. Émilie Maurice, enseignante-chercheuse à l’École polytechnique précise : « La quantité de collisions attendue dans la cellule de stockage augmentera jusqu’à un facteur 100 par rapport à la configuration précédente ». En effet, grâce à SMOG2, la densité du gaz sera augmentée de deux ordres de grandeur. Un plus grand jeu de données permettra de réduire les incertitudes sur les mesures.

Autre défi : la cellule ne doit pas obstruer le passage du faisceau de protons, notamment lors des phases d’injection durant lesquelles il est instable. Les scientifiques de la collaboration LHCb ont alors eu l’idée de construire deux demi-cellules attachées et alignées avec une précision de 200 micromètres aux deux moitiés du VELO. Celles-ci s’écarteront l’une de l’autre lors des phases d’injection et de stabilisation des faisceaux, puis se rapprocheront lorsque les mesures devront être prises. « Depuis son installation, les cycles ouverture/fermeture de SMOG2 ont été testés avec succès, » précise la chercheuse. « Il ne reste plus qu’à attendre le redémarrage du LHC début 2022 pour analyser les premières collisions proton-noyaux. Quant aux études des collisions plomb-noyau, il faudra patienter jusqu’aux faisceaux de plomb, prévus fin 2022 ».

photo de SMOG2
Partie amont du système SMOG2. Le gaz qui sera traversé par le faisceau de particules du LHC est contenu dans la cellule de stockage, en arrière-plan sur la gauche de la structure. © 2020 CERN, Noemi Caraban Gonzalez

 

Étudier le plasma de quarks et gluons

SMOG2 servira notamment à étudier le plasma de quarks et de gluons, état qu’avait la matière à la naissance de l’Univers, quelques microsecondes après le Big-Bang. Pour ce faire, « nous observons les mésons J/Y et D0, qui sont constitués de quarks charme » explique Frédéric Fleuret, responsable de l’équipe LHCb du LLR.  Ces particules, produites aux premiers instants de la collision, sont soumises à toutes les phases d’évolution du plasma, ce qui en fait des sondes privilégiées. « Avec ce programme, LHCb va ouvrir de nouvelles voies très prometteuses pour l’étude et la caractérisation du plasma de quarks et de gluons » continue Frédéric Fleuret. Pour mener au mieux ces travaux, l’équipe du LLR a été acceptée, en septembre 2020, en tant que membre de plein droit au sein de la collaboration.

Partie amont du système de SMOG2
SMOG2 en cours d’installation dans la caverne LHCb. On distingue les deux moitiés du VELO de part et d’autre de l’axe du faisceau. © 2020 CERN, Noemi Caraban Gonzalez

 

En savoir plus

Plus de détails sur le Laboratoire Leprince-Riguet rejoignant la collaboration LHCb :

https://llr.in2p3.fr/le-llr-rejoint-la-collaboration-lhcb

Contact

Emilie Maurice
Enseignante chercheuse à l'Ecole Polytechnique
Frédéric Fleuret
Directeur de recherche (Laboratoire Leprince Riguet)
Laurent Vacavant
Directeur adjoint scientifique "Particules et Hadronique" (IN2P3)