Marco Zito : Un explorateur des saveurs à la tête du LPNHE

Portrait

La scène se passe dans le petit amphithéâtre en bois d’un lycée de Gênes en Italie. Un professeur de physique fait valser les éprouvettes pour retrouver expérimentalement le nombre d’Avogadro. Devant lui, le jeune Marco Zito n’en rate pas une miette et attrape le virus des sciences. Trente ans plus tard, le jeune homme est devenu un spécialiste de la physique des saveurs et de la physique des neutrinos. Il prend ce mois-ci la tête du Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies (LPNHE) sur le campus de Jussieu à Paris.

Premières armes sur l’expérience Delphi

Marco Zito fait ses armes sur l’expérience Delphi, l’un des 4 détecteurs géants installés autour du LEP, le collisionneur électron/positron du CERN (1989-2000). « C’est une époque où la physique des particules était en pleine effervescence », se souvient avec un peu de nostalgie le chercheur. « Les bosons W et Z avaient été tout juste découverts. L’étude de la physique électrofaible et de la physique du boson battait son plein et petit à petit nous consolidions le modèle standard ». En ce temps-là, la recherche en physique a aussi le vent en poupe et recrute les jeunes chercheurs plus facilement qu'aujourd'hui. Marco Zito, alors encore en thèse, intègre l’IRFU (à l’époque Dapnia), au CEA à Saclay.

Dès lors, le chercheur se spécialise dans la physique des saveurs, à la recherche d’une explication tangible à l’existence de ces trois familles de particules, aux particularités très similaires mais distinguées entre elles par des masses différentes. « Le modèle standard n’apporte aucune explication à l'existence de ces trois familles », fait remarquer le scientifique qui aimerait bien un jour venir à bout de ce mystère. Ainsi, après Delphi, Marco Zito participe pendant une dizaine d’années à la mise en place et à l’analyse des données du détecteur Babar, installé au Stanford Linear Accelerator en Californie. Puis, à l’issue de cette expérience, il se tourne vers les neutrinos. Des candidats particulièrement intéressants dans le cadre de l’étude des saveurs.

A T2K le frisson de la découverte

Il embarque sur le projet T2K au Japon qui vise à produire des neutrinos au laboratoire J-PARC (Tokai, au nord de Tokyo), à les comptabiliser une première fois sur ce même site, puis une seconde fois 300 km plus loin. « C’est sur cette expérience », évoque Marco Zito, « que j’ai ressenti ce que l’on peut appeler le frisson de la découverte. Lorsque nous avons observé pour la première fois au monde l’oscillation d’un neutrino muonique en neutrino électronique. Il y en a eu 1, puis 2, puis 3. Nous en avions dénombré 6 quand un tremblement de terre a mis brutalement fin au comptage. » Mais qu’à cela ne tienne, la moisson est suffisante et la publication qui suit fait date.

A l’occasion d’un stage d’une semaine à la rubrique Sciences du quotidien Le Monde, Marco Zito se découvre une seconde passion : celle d’écrire et de partager ses connaissances. Pendant trois ans il signe une chronique hebdomadaire « Les coulisses de la paillasse » dans les pages du quotidien, puis publie deux livres de vulgarisation : Dans le tourbillon des particules et Supernova, le dernier éclat de l’étoile disparue. « J’ai toujours aimé écrire et j’espère pouvoir continuer. C’est une façon de prendre du recul, c’est aussi très formateur d’être forcé à imager ses propos », souligne l’auteur. « D’autre part, écrire sur les supernovae m’a montré à quel point j’étais ignorant de tas de choses. Notre spécialisation est tellement poussée qu’on en devient étanche aux autres domaines scientifiques. Pourtant il est important de se connecter à des secteurs éloignés. Le concept du boson de Higgs nous a été soufflé par les physiciens du solide, celui de la symétrie par des mathématiciens passionnés du 19ème siècle. » fait-il remarquer.

Un laboratoire d’une très grande richesse scientifique

Cette ouverture, le nouveau directeur d’unité compte bien la retrouver et l’encourager aux commandes du LPNHE. « C’est un laboratoire d’une très grande richesse scientifique, avec des programmes qui vont de l’énergie noire à la physique du LHC en passant par les rayons cosmiques. Qui plus est, il est implanté sur le campus bouillonnant de Jussieu » se félicite Marco Zito qui connaît bien ce laboratoire pour en avoir fréquenté les chercheurs sur des expériences communes depuis le début de sa carrière. Il n’avait pas spécialement prévu de se retrouver à sa tête, en convient-il. Mais il est homme à saisir les occasions quand elles se présentent. « Tout planifier dans la vie serait trop triste ; il faut savoir aussi se laisser porter » conclut le nouveau directeur, heureux de mettre son expérience au service d'un laboratoire débordant d'idées et d'énergie.