Microfaisceaux d’ions : ils créent des champs électriques dans les liquides
Des scientifiques du LP2IB/IN2P3, LOMA/INP et ICMCB/INC de l’université de Bordeaux, ont découvert que des champs électriques apparaissent dans de l’eau liquide soumise à une source de rayonnement intense. Ces champs électriques sont créés à des distances au moins 10 fois supérieures à la taille d’un faisceau de 5 µm de diamètre. Ce processus inattendu pourrait avoir des implications notamment en imagerie à haute résolution ou pour le piégeage de molécules chargées comme les colloïdes ou l’ADN.
La sérendipité a encore de beaux jours devant elle, et ce ne sont pas les chercheurs et chercheuses de l’équipe iRiBio (interaction, rayonnements ionisants & biologie) du LP2IB qui diront le contraire. C’est en effet de façon totalement inattendue que les scientifiques du laboratoire ont découvert en 2019 que des billes de latex chargées négativement et suspendues dans une solution liquide sont mises en mouvement quand ce milieu est irradié avec un faisceau très intense.
Depuis une dizaine d’années, il est possible de bombarder avec des microfaisceaux de radiations très intenses des cibles à l’état liquide. Cette possibilité relativement nouvelle ouvre des perspectives importantes, notamment dans l’imagerie haute résolution appliquée à l’étude de la matière molle ou à la recherche en biologie. D’autres processus ont par ailleurs été découverts dans ces conditions d’irradiation, comme la formation de nanobulles d’H2, la dégradation de polymères, ou la destruction de cellules biologiques. L’observation du comportement de la matière sous ce régime d’irradiation dans une cible liquide constitue une opportunité remarquable pour comprendre les processus physico-chimique à l’œuvre dans ces systèmes hors-équilibre.
Quatre années de recherche ont été nécessaires pour contraindre les différentes hypothèses expliquant le phénomène de déplacement des billes de latex à distance du faisceau. Finalement, c’est à travers un travail collaboratif avec des physiciens du LOMA et des chimistes de l’ICMCB à l’université de Bordeaux que les chercheurs ont trouvé l’explication du déplacement. Sous l’irradiation intense, la radiolyse de l’eau produit des cations H3O+ et des anions O2-. Ces ions ayant des constantes de diffusions très différentes, cela conduit à une séparation des charges dans la solution, donc à l’apparition d’un champ électrique responsable de la migration des billes. Afin d’étayer ces interprétations, les chercheurs ont couplés trois méthodes de calcul multiphysique et multiéchelle. La première méthode, le code Monte-Carlo Geant4-DNA, permet de comprendre comment les espèces chimiques se forment par interaction avec un proton rapide. La seconde est un code de réaction diffusion qui permet de considérer le faisceau dans sa globalité et de prédire les profils de concentration des espèces chimiques lors d’une séquence d’irradiation. Enfin, des modèles de diffusiophorèse ont été utilisés afin de mieux comprendre le déplacement des billes en latex sous un gradient d’espèces chimiques neutres et chargées. L’ensemble de ces méthodes permet d’avoir une vue d’ensemble des processus à l’œuvre lors de l’irradiation et vient étayer les observations expérimentales.
Il s’agit de la première mise en évidence du déplacement de colloïdes sous rayonnement. Ce résultat montre que les rayonnements ionisants ultra-intenses utilisés notamment en imagerie X ou électronique à haute résolution perturbent le système sous phase liquide à longue distance (au moins jusqu'à 100 µm du microfaisceau). Cette étude constitue par ailleurs une étape importante pour manipuler ou piéger, sous faisceau ionisant, des colloïdes ou des macromolécules chargées comme de l’ADN en solution. Ces travaux ont notamment bénéficié du soutien de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires du CNRS (MITI).
Migration des microbilles sous l'influence d'un flux de protons
Des scientifiques du Laboratoire de Physique des deux Infinis de Bordeaux, du Laboratoire ondes et matière d’Aquitaine et de l'Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux ont découvert que le bombardement d'une cible liquide par un microfaisceau de protons provoquait l'apparition de champs électriques à des distances considérables de l'axe du faisceau. Ces champs électriques provoquent ici le déplacement de microbilles de latex chargées négativement et les éloignent progressivement du point d'impact du faisceau.