Supernovae : les « agrégats » de nucléons viennent semer le trouble
A partir de données de collisions, Rémi Bougault, ses coéquipiers de la collaboration INDRA et des théoriciennes de Caen et du Portugal, ont calculé les paramètres d’évolution des éléments chimiques à l’intérieur de la matière dense qui se trouve au cœur des supernovas. Ils montrent que la matière passe par une phase dite d’« agrégation » des nucléons plus importante que prévue qui devra être prise en compte dans les scénarios d’explosion.
C’est un état particulier de température et de densité de la matière où les protons et les neutrons cessent d’être indépendants et se rassemblent en petits groupes ou agrégats. Il se rencontre très probablement dans les étoiles très massives en cours d’effondrement, mais aussi à la suite de leur explosion en supernovae. Et selon les résultats de la collaboration INDRA publiés dans Physical Review Letters (1), cet état pourrait jouer les trouble-fête. « Nous avons établi que dans les zones de haute densité des supernovæ il va se former plus d’agrégats que prévu et que cela pourrait avoir un impact substantiel sur la dynamique de l’explosion, explique Rémi Bougault, physicien nucléaire au LPC Caen et co-auteur de l’étude. Notamment parce que les clusters vont absorber plus efficacement les neutrinos émis au cœur du brasier. »
Pour arriver à ce constat, les scientifiques ont observé la formation de ces agrégats non pas dans les supernovæ, mais au GANIL dans des collisions entre un faisceau d’ions et une cible. A la faveur de ces chocs très énergétiques entre du xénon et de l’étain, les noyaux d’atomes sont tout d’abord comprimés puis subitement ils se détendent et la pression chute. C’est dans ces conditions que les nucléons se réorganisent en petits noyaux ou agrégats. Agrégats qui sont ensuite captés par le détecteur INDRA placé autour du point d’impact.
Les effets de milieu boostent la formation des agrégats de nucléons
L’équipe a effectué les mesures avec plusieurs configurations de collisions différentes à 32 A.MeV pour obtenir des jeux de données distincts impliquant des isotopes différents du couple projectile-cible. De ces mesures, elle a déduit les termes de l’équation thermodynamique qui modélise la formation des agrégats en fonction de la densité et de la température. Surtout, pour arriver à leur résultat, les scientifiques ont fait appel à une analyse statistique sophistiquée afin de pouvoir extraire l’influence des effets de milieu sur la formation des agrégats, avec une estimation quantitative et contrôlée des erreurs liées à la mesure. Et c’est ce qui a tout changé, car les effets de milieu jouent apparemment un rôle de booster dans la formation des agrégats.
La collaboration INDRA a d’ores et déjà programmé une suite à ces expériences pour confirmer la validité de ces résultats à des énergies plus grandes, comme en cas de vaporisation complète des noyaux d’atomes, à des énergies de bombardement de l’ordre de cent millions d’électron-volt par particule accélérée. Ils utiliseront pour cela en 2021 le détecteur de toute dernière génération FAZIA, toujours au GANIL.
(1) Low-density in-medium effects on light clusters from heavy-ion data